L'agence de notation Standard and Poor's (S&P) a, pour la première fois de son histoire, abaissé lundi à «négative» la perspective d'évolution de la note de la dette américaine, doutant de la capacité de la classe politique à s'attaquer au déficit budgétaire du pays.

Dans un communiqué publié peu avant l'ouverture de Wall Street, S&P a annoncé qu'elle maintenait la note «AAA» de la dette à long terme des États-Unis, la meilleure note possible réservée aux émetteurs présentant les meilleures garanties.

Mais «parce que les États-Unis ont (...) ce que nous considérons comme des déficits budgétaires très importants et un niveau d'endettement gouvernemental en hausse, et parce que le chemin pour traiter (ces problèmes) n'est pas clair, nous avons révisé notre perspective sur la note à long terme de «stable» à «négative», ajoute le communiqué.

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En clair, cela signifie que «nous pensons qu'il y a au moins une chance sur trois pour que nous abaissions la note à long terme des États-Unis dans les deux ans», a précisé un analyste de S&P, Nikola Swann, cité dans un communiqué.

Or pour M. Swann, «il y a un risque accru» que l'administration du président Barack Obama et l'opposition ne parviennent pas à un accord sur la réduction du déficit avant les élections présidentielle et parlementaires de novembre 2012.

C'est un nouveau coup de semonce pour Washington, une semaine après un inhabituel rappel à l'ordre du FMI, qui avait noté que «les États-Unis se démarquent comme étant la seule grande économie avancée» à n'avoir pas l'intention de «rééquilibrer son budget» cette année, alors qu'ils devraient afficher en 2011 le déficit budgétaire le plus élevé du monde (10,8% du produit intérieur brut).

Le Trésor américain s'est défendu en jugeant que S&P «sous-estimait la capacité des dirigeants des États-Unis à se rassembler pour répondre aux difficiles défis budgétaires du pays».

Mary Miller, secrétaire adjointe au Trésor chargée des marchés financiers, s'est par ailleurs réjouie d'un avis d'une autre agence de notation, Moody's, qui a maintenu lundi la note et la perspective de la dette américaine, qualifiant de «positif» le débat actuel sur le budget.

Évoquant le récent discours du président Barack Obama sur la dette et les propositions concurrentes du parti républicain, Moody's a noté que tous visaient désormais «des déficits et des niveaux d'endettement réduits».

La Maison-Blanche a saisi l'occasion pour mettre la pression sur ses adversaires républicains, avec lesquels elle est en profond désaccord sur les moyens d'arriver à ce but commun. Le porte-parole présidentiel Jay Carney a estimé que l'avertissement de S&P constituait «un rappel qu'il est important de parvenir à un accord sur une réforme budgétaire».

Les analystes de Barclays Capital ont noté que S&P tablait sur l'adoption d'un budget permettant d'économiser de 4000 à 5000 milliards de dollars dans les 10 à 12 ans. Or, l'agence réclame des premières mesures d'ici à deux ans.

«Nous pensons que c'est un échéancier ambitieux», supposant un accord avant la présidentielle de 2012, soulignaient-ils. «Cela sera dur, vu le paysage politique et la nature structurelle des problèmes budgétaires».

Plusieurs analystes jugeaient que l'avertissement lancé par S&P était surtout un message adressé aux responsables politiques, qui doivent, outre la question du déficit, relever d'urgence le plafond de la dette d'ici au 16 mai, faute de quoi les États-Unis ne seront pas en mesure de payer leurs intérêts.

«Contrôler les dépenses et le déficit ne peut plus être remis à un autre jour. C'est pourquoi les républicains n'accepteront de relever le plafond de la dette que si cela s'accompagne de sérieuses réformes réduisant immédiatement les dépenses fédérales», a averti lundi le numéro deux des républicains de la Chambre, Eric Cantor.

«Les incertitudes macroéconomiques ont augmenté»

L'un des dirigeants de la banque centrale américaine (Fed), James Bullard, a estimé lundi que les «incertitudes macroéconomiques avaient augmenté ces dernières semaines», particulièrement à cause de la situation budgétaire aux États-Unis et du risque d'«impasse politique».

«Ces dernières semaines, les incertitudes macroéconomiques ont augmenté», a estimé lors d'un discours le président de la Réserve fédérale de St. Louis.

Il a cité «les turbulences au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les incertitudes au sujet des prix du pétrole», le séisme et la catastrophe nucléaire au Japon, «la situation budgétaire des États-Unis et une possible impasse politique», et les «inconnues sur la résolution de la crise de la dette européenne».

Selon M. Bullard, ces quatre éléments peuvent se détériorer, mais «l'hypothèse la plus probable est qu'ils se résolvent tous sans entraîner de chocs macroéconomiques».