La température a été clémente. La croissance de l'emploi, vigoureuse. Pourtant, les mises en chantier sont tombées à un creux de près de deux ans en février aux États-Unis, confirmant la pente abrupte que le secteur immobilier a encore à remonter.

Le démarrage de nouvelles constructions a reculé de 22,5%, à 479 000, en rythme annualisé, indiquent les données publiées hier par le département du Commerce. C'est presque 100 000 de moins que ce à quoi s'attendaient les économistes sondés par l'agence Bloomberg. Et c'est la chute mensuelle la plus importante depuis 27 ans.

Une baisse aussi forte est «étonnante», selon Francis Généreux, économiste principal au Mouvement Desjardins. «Les mises en chantier revisitent le creux du début de 2009, soit au pire de la récession, alors qu'il se perdait 700 000 emplois par mois», a-t-il noté dans un rapport.

Or, le marché du travail a connu une vive remontée en février, avec la création de 192 000 jobs. Qui plus est, les conditions météorologiques ont été bien meilleures qu'au mois de janvier (frappé de nombreuses tempêtes), ce qui aurait normalement dû favoriser le démarrage de nouveaux chantiers, a souligné M. Généreux.

Pourquoi un tel recul, alors? La réponse repose en bonne partie en un mot: saisies.

Des milliers de ménages continuent de perdre leur maison tous les jours aux mains des banques, lesquelles s'ajoutent aux millions de propriétés déjà en train de végéter sur le marché. Les constructeurs d'habitations neuves peuvent difficilement concurrencer cet afflux de résidences aux prix déprimés.

«D'ici à ce que les stocks de maisons saisies et invendues soient écoulés, l'activité de construction demeurera à des niveaux très bas», a souligné Christos Shiamptanios, économiste à la Banque TD.

Rien ne laisse présager une embellie majeure cette année dans le secteur de la revente. Le nombre de saisies a certes reculé de 27% en février, selon la firme RealtyTrac, mais c'est uniquement parce que les banques ont ralenti la cadence, le temps que les allégations de mauvaises pratiques qui pèsent contre elles soient éclaircies.

RealtyTrac s'attend à ce que les saisies reprennent de plus belle dans quelques mois, une fois l'imbroglio juridique réglé.

Baisse tous azimuts

Signe de la faiblesse généralisée du marché immobilier, les mises en chantier ont reculé dans chacune des quatre zones géographiques des États-Unis. La baisse la plus importante a été observée dans le Midwest (-48,6%), suivi du Nord-Est (-37,5%), de l'Ouest (-28%) et du Sud (-6,3%).

Les permis de bâtir - un indicateur des mises en chantier à venir - ont pour leur part atteint un creux jamais vu le mois dernier, à 517 000 en rythme annualisé. Les économistes s'attendaient en moyenne à 570 000.

Le secrétaire américain au Commerce, Gary Locke, a tenté de voir du positif dans toute cette grisaille. «Même si les données de l'habitation demeurent volatiles, des facteurs comme la création d'emplois dans le secteur privé et la baisse du taux de chômage suggèrent que le marché de l'habitation devrait s'améliorer en 2011», a-t-il dit hier dans un communiqué.

Plus tôt ce mois-ci, le président de la Fed, Ben Bernanke, s'est montré plus pessimiste. Il a souligné devant le Congrès que le marché immobilier demeurait «faible», en dépit de la progression de l'économie. Il a aussi cité la difficulté de plusieurs ménages à obtenir du financement hypothécaire, de même que la menace bien réelle d'une nouvelle baisse du prix des maisons.