Expansion: voilà un concept que les économistes ont dû mettre de côté aux États-Unis depuis trois ans. Depuis hier, ils peuvent l'utiliser à nouveau.

Après une débâcle immobilière, une crise financière, une récession et une reprise, l'économie américaine passe en mode expansion. En hausse de 3,2% pour s'établir à 13 382 milliardsUS au dernier trimestre de 2010, le produit intérieur brut (PIB) américain a dépassé pour la première fois son niveau de fin 2007, avant la récession. «On commence un nouveau cycle d'expansion économique», dit Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

«Au début de la récession, personne n'aurait dit que la reprise ne prendrait que deux ans. Dans les circonstances, c'est remarquable», dit Stéfane Marion, économiste en chef de la Banque Nationale.

Cette embellie statistique cache toutefois plusieurs carences de l'économie américaine. Le nombre de saisies immobilières a augmenté de 1,7% l'an dernier pour atteindre 2,9 millions, selon la firme RealtyTrac. Depuis trois ans, ils sont aussi environ sept millions d'Américains de moins à occuper un emploi (138,0 millions en décembre 2007 contre 130,7 millions aujourd'hui).

«La hausse du PIB est surtout attribuable à une hausse de productivité. Nous avons de la difficulté à recruter des employés dans les secteurs de pointe. Il y a un écart entre l'offre et la demande sur le marché du travail», dit James Goodnight, PDG de SAS Institute, en entrevue à La Presse Affaires. SAS Institute est une entreprise de logiciels qui emploie 5900 personnes aux États-Unis, dont 4600 personnes à son siège social en Caroline-du-Nord où elle est l'un des plus grands employeurs privés de cet État.

Chômage

Le taux de chômage est passé de 5,0% en décembre 2007 à 9,4% actuellement. Pour créer deux millions de nouveaux emplois en 2011, l'économie américaine devra carburer en hausse d'au moins 3,5%, selon la Banque Nationale.

S'ils sont moins nombreux qu'en 2007, les Américains toujours au travail ont largement contribué à cette nouvelle ère d'expansion économique en dépensant sans compter durant les Fêtes. Selon la Fédération nationale du commerce de détail, ils ont dépensé 462 milliardsUS en novembre et décembre, une hausse de 5,5% en un an. Il s'agit de la hausse la plus importante depuis 2004.

Tandis que les consommateurs se ruaient dans les magasins, les entreprises restaient sur les lignes de côté. «Elles ont écoulé leurs stocks et ont reporté leur production», dit Stéfane Marion, qui blâme les politiciens pour l'enthousiasme mitigé du secteur privé durant la deuxième moitié de 2010. Selon l'économiste en chef de la Banque Nationale, les négociations sur les baisses d'impôt entre la Maison-Blanche et le Congrès ont coûté plusieurs milliers d'emplois. «Les entreprises ont attendu de voir combien elles allaient payer en impôts pour 2011 et combien le fardeau fiscal des consommateurs bougera avant d'engager et d'augmenter la production», dit Stéfane Marion.

Défis des prochaines années

Au nombre des défis politico-économiques des prochaines années d'expansion: trouver une solution au déficit et à la dette du gouvernement fédéral qui ne cessent d'augmenter. Selon les calculs de la Maison-Blanche, le déficit fédéral sera de 1490 milliardsUS en 2011, incluant 230 milliards en raison du renouvellement des baisses d'impôt de George W. Bush.

«Le plus important, c'est d'arrêter le déficit. Sinon, on sera obligé d'imprimer de l'argent, ce qui dévaluera notre devise. Le gouvernement doit arrêter de dépenser», dit le cofondateur de SAS Institute James Goodnight, dont la fortune personnelle de 6,9 milliardsUS le classe au 35e rang des Américains les plus riches selon Forbes.

En 2011, la dette devrait atteindre 15 144 milliardsUS, soit environ la taille de l'économie américaine pour une année. La dette américaine est si imposante que l'agence de notation Moody's pose plusieurs conditions afin que les États-Unis conservent leur cote de crédit «AAA», la meilleure sur le marché.

Malgré ses intrigues politiques, l'économie américaine est 10 fois plus grande que celle de son voisin canadien et reste la première économie mondiale devant la Chine et le Japon. Selon l'économiste en chef de Goldman Sachs, la Chine rattrapera les États-Unis en 2027.