La Commission d'enquête sur la crise financière américaine a conclu à un échec collectif jeudi, celui des États-Unis qui n'ont pas su ou voulu brider les spéculateurs qui sévissaient sur le marché du prêt immobilier et ses dérivés.

Son rapport de plus de 600 pages se veut le «récit historique» et fidèle d'une crise née avec des prêts immobiliers à risque, qui a gagné l'ensemble du système financier et a été lourdement payée par tous les Américains.

«La machine à prêts immobiliers», «La folie», «L'explosion», «La chute de l'économie»... les titres de chapitres rappellent les épisodes d'un drame qui n'est pas vraiment fini, vu l'ampleur du chômage aux États-Unis et le marasme de l'immobilier.

Si des prêteurs sans scrupules sont les premiers coupables, il leur a fallu des complices: les agences de notation, et les autorités de régulation.

«La débâcle d'une sphère des marchés financiers a entraîné des défaillances dans d'autres sphères par le biais d'interconnexions et de vulnérabilités que les banquiers, les responsables publics et d'autres ont manquées ou écartées», écrit la Commission.

«En tant que Nation, nous devons aussi accepter notre responsabilité. Collectivement, mais certainement pas unanimement, nous avons acquiescé à ou nous nous sommes impliqués dans un système, un ensemble de politiques et de mesures, qui a causé nos difficultés», ajoute-t-elle.

Cela implique des torts, parfois graves, pour certaines personnes encore en place dans le monde de l'entreprise et à Washington.

Sont rappelées les déclarations du président de la banque centrale (Fed) Ben Bernanke selon lesquelles la crise aurait des répercussions limitées. Mais aussi l'inertie de l'institution face à l'explosion du crédit immobilier, malgré les preuves qu'une bulle spéculative était en train de gonfler.

Secrétaire au Trésor aujourd'hui, le président de la Fed de New York Timothy Geithner est décrit comme incapable d'adopter une ligne claire sur l'aide aux géants de Wall Street en train de s'effondrer: Bear Stearns en mars 2008, puis Lehman Brothers et AIG en septembre de la même année.

Au fil de son enquête, avec l'audition de 700 témoins et l'examen de millions de pages de documents, la Commission a glané une pléthore d'indices selon lesquels beaucoup savaient qu'il y avait un problème, mais refusaient d'en voir l'ampleur.

«La crise a été la conséquence d'actions et d'une inaction humaines, non pas de Mère nature ou de modèles informatiques qui se seraient détraqués. Les capitaines de la finance et les gardiens de notre système financier ont ignoré les avertissements et ont été incapables de s'interroger, de comprendre et de gérer les risques», lit-on dans la préface.

«Nous avons été parfois fascinés, surpris et même choqués par ce que nous avons vu, entendu et lu», affirme la Commission.

Le langage n'est pas toujours chaste: «les gars, vous m'avez filé un sac à merde», aurait dit M. Geithner quand le régulateur d'AIG abandonnait ses responsabilités et passait le dossier à la Fed de New York.

La Commission ne fait aucune proposition particulière, se comparant à l'autorité qui enquête sur les causes des accidents d'avions, mais laisse au législateur le soin de remédier aux manquements.

«Il y a eu des signes annonciateurs. La plus grande tragédie serait d'accepter la rengaine selon laquelle personne n'aurait pu prévoir cela et donc il n'y avait rien à faire. Si nous acceptons cette idée, cela se reproduira», a affirmé dans un communiqué le président de la Commission, Phil Angelides.