La Réserve fédérale américaine (Fed) entend continuer son programme de 600 milliards US d'achats de la dette américaine d'ici juin, mais elle se donne plus de latitude pour le mener au rythme qu'elle juge le plus susceptible de stimuler l'emploi et d'assurer la stabilité des prix.

Voilà l'une des deux petites nouveautés qu'on peut déceler dans le communiqué de son Comité de politique monétaire, qui reconduit sans surprise la fourchette cible de 0% à 0,25% pour la négociation des Fed Funds «pour une durée prolongée». Elle est en place depuis décembre 2008.

En novembre et décembre, elle avait indiqué son désir de procéder à ses achats à la cadence mensuelle d'environ 75 milliards US, somme à laquelle il faut rajouter le réinvestissement du principal et des intérêts des titres arrivés à échéance qu'elle détient. Il y en aurait d'ici juin pour de 250 à 300 milliards US.

Les 75 milliards US ne figurent pas dans le communiqué d'hier qui réitère toutefois intégralement la volonté du Comité de «revoir régulièrement le rythme de ses achats et la taille du programme à la lumière de l'information courante».

L'autre surprise, c'est l'absence de dissidence au sein du Comité. En 2010, le président de la Réserve de Kansas City, Thomas M. Hoenig, avait voté à huit reprises contre la politique monétaire menée par le président de la Fed, Ben S. Bernanke, parce qu'il la jugeait trop accommodante et susceptible d'attiser les attentes inflationnistes à long terme.

Cette année, M. Hoenig ne vote pas. Il fait partie des quatre membres sortants du Comité de politique monétaire. Les quatre entrants comptent deux faucons qui ont publiquement émis des réserves sur la conduite de la politique monétaire, mais ils ont choisi cette fois-ci de se rallier.

Sur le front de la croissance, la Fed prend timidement compte des récentes données économiques un peu plus positives qu'il y a six semaines. Elle note ainsi que «les dépenses des entreprises en équipement et logiciels augmentent», mais ajoute comme en décembre que «l'investissement dans la construction non résidentielle reste faible».

La Fed prend acte aussi «de la hausse des prix des biens de base», mais ajoute que «les mesures de l'inflation sous-jacente tendent à la baisse».

«Cette description un peu plus favorable ne modifie pas la vue selon laquelle le rythme de croissance demeure insuffisant pour stimuler l'emploi», résume Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC Marchés mondiaux.

La Fed ne fait aucune allusion au plan de relance obtenu à l'arraché du Congrès par le président Barack Obama depuis sa réunion précédente. Ce plan a amené la majorité des prévisionnistes à hausser leur pronostic de croissance pour les États-Unis cette année. Hier, c'était au tour du Conference Board qui parie désormais sur un gain de 3,2%, grâce à une poussée des exportations et des investissements des entreprises.

«Au bout du compte, pour le meilleur ou pour le pire, la Fed lie la conduite de la politique monétaire à l'amélioration du marché du travail, remarque Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Cela implique clairement que lorsque le programme de détente monétaire arrivera à terme en juin, il y en aura un autre (puis un autre, et un autre) aussi longtemps que le marché du travail ne s'améliorera pas significativement. Ça n'arrivera pas avant la fin de l'année ou au début de 2012, si tout se déroule bien.»

Parmi les grandes inconnues, il y a au premier plan le comportement du Congrès qui devra adopter au plus tard à la fin de mars un nouveau plafond pour la dette américaine fixé à 14 300 milliards US, faute de quoi le gouvernement devra fermer boutique jusqu'à ce qu'une solution soit négociée.

Le service de la dette exigera alors à lui seul d'immenses compressions et viendra compliquer le programme d'achats de titres par la Fed.

Quant au plan de relance voté en décembre, il pourrait être compromis si le bras de fer s'éternisait. Le déficit pour l'année financière en cours a été évalué hier par le Congressionnal Budget Office à 1480 milliards US, soit l'équivalent de 9,8% du produit intérieur brut (PIB)...