Les États-Unis sont très loin d'avoir fini de payer la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers il y a deux ans, qui s'est traduite par du chômage de masse, une explosion de leur dette publique et des dégâts considérables au sein de leur système financier.

La mort de ce grand nom de Wall Street, le 15 septembre 2008, devrait rester dans les livres d'histoire du pays, à l'instar du krach boursier du 24 octobre 1929.

Le Wall Street Journal, le journal au plus grand tirage du pays, parlait lundi d'un «monde de l'après-Lehman» (sur les marchés financiers). Hollywood sort le 24 septembre une suite au «Wall Street» de 1987, où la crise provoquée par cette faillite à l'automne 2008 sert de toile de fond.

À la surface des choses, les États-Unis vont mieux. Le président Barack Obama le répète à chaque discours: leur économie a renoué avec la croissance et la création d'emplois.

Mais ces deux années semblent avoir creusé un immense fossé entre les élites du pays et ses classes populaires.

«Je ne suis pas sûr que les gens se rendent compte à quel point les choses allaient mal», affirmait lundi le journaliste financier du New York Times, Andrew Ross Sorkin, interrogé par le site internet DailyFinance. Selon lui, «Goldman (Sachs) et d'autres grands groupes étaient près du dépôt de bilan».

«Notre pays a toujours des problèmes, mais quand on se retourne sur ces jours effroyables, de manière relative, nous nous en sortons en fait plutôt bien», ajoutait-il.

Sorti de Manhattan, cette opinion semble minoritaire.

D'après un sondage publié vendredi par la compagnie d'assurances Allstate, 56% des Américains pensent que l'économie du pays va «dans la mauvaise direction», à peu près autant qu'en avril 2009 (55%), époque où le pays était encore en récession.

Ce pessimisme persiste depuis deux ans.

«Jusque-là, la détérioration des marchés de l'immobilier et du prêt hypothécaire avait provoqué ce qui paraissait une récession sérieuse, mais pas sans précédent. Dès que Lehman a fait faillite, l'économie a fait un piqué désespéré», se souvient Robert Samuelson, un éditorialiste de Newsweek.

Et de se demander si un sauvetage en catastrophe par l'État aurait empêché une telle panique. «Peut-être que non (...) Le propre d'une crise, c'est que les gens sont surpris et dépassés par les événements, et dans ce sens, il se pourrait que les erreurs commises avec Lehman aient été inévitables.»

Erreur ou non, en deux ans, cette crise a eu des répercussions durables. Le taux de chômage est passé de 6,2% à l'époque à 9,6% aujourd'hui, et la dette publique de 9634 milliards à 13 442 milliards de dollars. Quelque 280 banques ont fait faillite.

Dans l'opinion publique, on entend souvent appeler à traîner les coupables devant les tribunaux.

«Rien ne s'est passé pour Lehman Brothers (...) après leurs escroqueries de dérivés à la Enron pour cacher de la dette aux investisseurs», déplore Zach Carter, du réseau journalistique altermondialiste AlterNet.

Selon le Wall Street Journal, l'enquête des autorités boursières sur une manipulation pour embellir les comptes serait proche de sa conclusion. «La SEC veut le scalp des dirigeants de Lehman. La Maison-Blanche aussi», s'est ému vendredi l'un des anciens dirigeants de la banque, Lawrence McDonald, cité par un blog financier du New York Times

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