La reprise économique s'essouffle aux États-Unis. La Réserve fédérale a donc annoncé mardi un nouveau plan comportant des mesures mineures pour abaisser les taux d'intérêt à long terme. La réaction du marché: un certain scepticisme.

D'abord, un mot ou deux sur le constat, à propos de l'état de l'économie américaine. Le communiqué de la Fed publié mardi après-midi n'est pas très jojo à cet égard. «Le rythme de la reprise de l'activité et de l'emploi s'est ralenti dans les derniers mois», écrivent les sbires de la Fed.

Ils poursuivent: «Le rythme de la reprise économique devrait être plus modeste à court terme que ce qui était anticipé.» En juin, lors de la dernière réunion du comité de politique monétaire (le FOMC), la Fed faisait plutôt état d'une «reprise qui devrait être modérée pour un certain temps».

Donc, face à cette économie - la plus grande du monde et notre principal partenaire commercial - qui peine à retrouver une vitesse de croisière acceptable, le FOMC revient de l'avant avec une mesure de relance, sa première depuis plus d'un an: quand des titres liés à l'immobilier que la Réserve fédérale détient viendront à échéance, elle va réinvestir l'argent en achetant des bons du Trésor. On parle ici de titres comme de la dette des organismes parapublics Fannie Mae et Freddie Mac.

Cette mesure permettra de garder un niveau de liquidité élevé dans le système financier américain. En rachetant des bons du Trésor aux banques, la Fed fait donc le pari que celles-ci prêteront davantage de fonds aux entreprises et consommateurs qui en ont besoin.

Selon Vincent Delisle, stratège financier de Scotia Capitaux, il y a un autre avantage à cette stratégie. «Avec des taux d'intérêt à long terme qui baissent, on maintient le marché des hypothèques plus bas, facilitant, on l'espère, un retour du marché immobilier.»

Déjà, mardi, les taux des bons du Trésor de 10 ans étaient en baisse de 5 points, à 2,78%.

Sans surprise, la Fed a aussi décidé de reconduire son taux directeur dans sa fourchette de 0% à 0,25%. Il est à ce niveau depuis décembre 2008 et elle prévoit l'y maintenir encore longtemps.

Selon plusieurs stratèges, le geste qu'a fait la Fed mardi pourrait n'être qu'un premier pas vers d'autres mesures plus costaudes. «Elle (la Fed) ne semble pas pour le moment entrevoir de double dip ou de déflation, écrit l'économiste principal de Desjardins Mathieu D'Anjou mais elle a décidé de poser un geste symbolique pour rassurer les marchés. Si la situation devenait réellement critique, on sent qu'elle n'hésiterait pas à agir de façon plus musclée.»

Sentiment semblable du côté d'Eric Green, spécialiste du marché américain de Valeurs mobilières TD, qui voit dans la décision de mardi un probable «pas de transition» vers «des gestes plus musclés plus tard cette année».

Les marchés hésitent

Si les Bourses nord-américaines ont plutôt bien réagi dans les minutes suivant l'annonce en regagnant plusieurs dizaines de points perdus en début de séance, leur enthousiasme s'est vite dissipé. En fin de journée, elles étaient toutes dans le rouge, quoique moins vif qu'en début de journée.

«La Fed a parlé haut, mais avait dans la main un petit bâton», a souligné à l'AFP Joel Naroff, de Naroff Economic Advisors. Selon lui, même si la Fed réinjectait des sommes gigantesques dans le système bancaire, celui-ci a déjà «les fonds pour prêter mais les établissements sont soit réticents, soit incapables de trouver de nombreux prêts intéressants».

De ce côté-ci de la frontière, Vincent Delisle va plus loin. «Les limites d'une telle mesure arrivent très vite quand il y a absence de confiance.» Or, la confiance fait cruellement défaut actuellement sur le marché américain, selon lui.

Au bout du compte, à Toronto, l'indice principal a reculé de 25,27 points, à 11 838,29. Trois sous-groupes ont même fini la journée en territoire positif: technologie, télécommunications et soins de santé. À New York, le Dow Jones a perdu 54,5 points, à 10 644,25.