Les prix à la consommation aux États-Unis ont baissé en avril pour la première fois en treize mois, témoignant de la persistance de pressions désinflationnistes un peu oubliées et potentiellement inquiétantes.

L'indice des prix à la consommation publié mercredi par le département du Travail a reculé de 0,1% par rapport au mois de mars, entraîné notamment par la baisse des cours du pétrole.

Ce recul a surpris les analystes, qui tablaient sur une hausse de 0,1%.

Le recul de l'indice a été tiré par une baisse des prix de l'énergie, dans le sillage de la baisse des cours observée sur le marché du pétrole: ils ont reculé de 1,4%, ce qui représente leur plus forte baisse depuis mars 2009.

En glissement annuel, l'inflation a ralenti sa hausse, à 2,2% en avril. Hors alimentation et énergie, l'inflation dite de base est tombée à 0,9% sur un an, son niveau le plus faible depuis janvier 1966.

La modération des prix facilite la tâche de la banque centrale américaine (Fed), qui a réitéré fin avril sa volonté de maintenir encore longtemps «exceptionnellement bas» son taux directeur, quasi nul depuis la mi-décembre 2008.

Le risque de déflation (spirale de baisse des prix dont il est très difficile de sortir) a poussé la Fed à injecter des centaines de milliards de dollars dans le système économique après la panique financière de septembre 2008, afin d'éviter aux États-Unis une catastrophe.

Avec l'arrivée de la reprise à l'été 2009, les dirigeants de la Réserve fédérale ont estimé que ce risque avait considérablement diminué, sans avoir disparu complètement.

Pour Sal Guatieri, analyste de BMO Capital Markets, «la désinflation est fermement installée dans l'économie américaine». «C'est un gros plus pour les marchés de la dette, et c'est positif pour les actions également, à condition que nous ne glissions pas dans la déflation», note-t-il.

Il y a trois causes à la baisse des prix d'avril, explique Gregory Daco, économiste du cabinet IHS Global Insight: la baisse des cours du pétrole, la faiblesse du marché de l'emploi (qui n'incite pas aux revendications salariales et ne stimule pas la consommation) et de la production en général, ainsi que le renforcement du dollar du fait de la crise de la dette grecque.

M. Daco estime que la situation plaide pour que la Fed continue «de soutenir la reprise» comme elle le fait.

En maintenant son taux à quasi zéro, la Fed cherche à stimuler l'activité au maximum en abaissant le coût du crédit au minimum.

Selon ses nouvelles prévisions économiques publiées mardi, la banque centrale estime désormais que l'inflation devrait être comprise entre 1,2 et 1,5% en 2010 (et non plus 1,4 et 1,7% comme elle le pensait en janvier), ce qui est inférieur à la hausse des prix qu'elle juge souhaitable (1,7% à 2,0% par an).

L'économiste indépendant Joel Naroff rejoint le point de vue majoritaire à la Fed en estimant que «l'incertitude à propos de la croissance économique en Europe, et même en Chine» devrait se traduire par une faible hausse des prix pendant un certain temps.

Mais pour Ian Shepherdson, économiste de l'institut HFE, «l'inflation ralentit à un rythme alarmant» et les États-Unis «devraient s'approcher dangereusement de la déflation» dans les douze mois à venir.