Le dollar américain a perdu beaucoup de son lustre pendant les années 2000, où sa suprématie a été fortement remise en cause et sa valeur s'est érodée.

Sur le marché des changes, la décennie a été rude pour le billet vert. Au 31 décembre 1999, un euro s'échangeait pratiquement contre un dollar. Dix ans plus tard il valait 1,43 dollar, soit une dépréciation de plus de 30% pour la monnaie américaine.

La dernière intervention en date de la banque centrale américaine sur ce marché, en septembre 2000, paraît aujourd'hui de la préhistoire: à l'époque, il s'agissait de soutenir le cours de l'euro.

Face à deux autres grandes monnaies internationales, le dollar a connu la même infortune: s'il a été à peu près stable face à la livre sterling, il a perdu près de 10% face au yen, et chuté d'environ 35% face au franc suisse.

L'indice de la valeur du dollar pondéré par le poids des partenaires commerciaux des États-Unis a perdu 11% en dix ans, plombé entre autres par la chute de 37% du taux de change du billet vert face au dollar canadien, la monnaie du premier de ces partenaires.

Le billet vert est toujours la référence sur le marché des changes. D'après les dernières chiffres de la Banque des règlements internationaux, la part des transactions incluant le dollar y était de 88% en 2007, contre 91% en 2001.

Mais il l'est moins dans les réserves internationales de change.

Au 31 décembre 1999, le Fonds monétaire international évaluait la part des dollars dans les avoirs des États en devises étrangères (hors États-Unis et Chine) à 74,9%. Au 30 septembre 2009, il l'estimait à 70,2%, au plus bas depuis que ces statistiques sont établies.

L'événement entre-temps a été l'émergence d'un sérieux concurrent, dont l'existence n'était que virtuelle il y a dix ans. «L'euro est déjà en train de défier le statut du dollar comme la devise de réserve principale du monde et c'est peu de dire que ces dix dernières années, il a fait beaucoup de chemin», constate Kathy Lien, directrice de la recherche de Global Forex Trading.

En 1999, il était inimaginable de demander au directeur général du FMI si le statut du dollar était menacé. Aujourd'hui, il en parle de lui-même. «Je prévois que le dollar restera la monnaie de réserve principale pendant quelque temps», disait-il lors d'un discours en novembre à Pékin.

En 1999, le président de la banque centrale américaine, Alan Greenspan, évoquait devant le Congrès la possibilité d'unions monétaires avec des pays «dollarisés». Le billet vert était très courant au quotidien en Argentine, qui envisageait sérieusement la mort du peso, en Bolivie, en Russie ou aux Philippines.

Aujourd'hui, les pays du Mercosur ont abandonné le dollar au profit des devises locales pour leurs échanges commerciaux, et Moscou voit l'avenir du rouble comme celui d'une monnaie de réserve. Dans certains pays qui gardent le cours de leur monnaie accroché au dollar (dans le Golfe, à Hong Kong), la possibilité de s'en détacher est débattue. Le Koweït l'a fait en 2007.

En 1996, la banque centrale américaine estimait que «plus de 60%» des pièces et billets en dollars étaient à l'étranger. En 2005, cette estimation était tombée à «environ 50%», puis la «majorité» en 2007.

En 1999, l'idée de coter le pétrole dans une autre monnaie que le dollar serait passée pour farfelue. Aujourd'hui, les plus grands producteurs d'or noir du Golfe y réfléchissent, associés à des pays comme la Chine, le Japon, la France et la Russie.

En 1999, le débat sur le système monétaire international, après le tourbillon de la crise asiatique, se focalisait sur les remèdes à l'instabilité. Aujourd'hui, c'est la question de l'après-dollar qui est discutée partout dans le monde, hormis aux États-Unis.