Le président Barack Obama a relancé son effort de réforme des règles de la finance en s'en prenant durement à ceux qui, à Wall Street, se complaisent dans les « comportements inconsidérés « et les « excès incontrôlés « et refusent de tirer les leçons de la crise.

« Malheureusement, il y en a certains, dans l'industrie financière, qui se trompent dans la lecture du moment présent », a déploré hier M. Obama dans un discours à deux pas de la Bourse de New York, un an jour pour jour après que le dépôt de bilan de la vénérable banque d'affaires Lehman Brothers eut diffusé une onde de choc qui s'est rapidement propagée à toute l'économie mondiale.

« Au lieu de tirer les leçons (du dépôt de bilan) de Lehman et de la crise dont ils n'ont toujours pas fini de se remettre, ils choisissent de les ignorer », a-t-il dit devant un parterre de dirigeants de la finance au Federal Hall, haut lieu de l'histoire de la démocratie américaine.

« Nous ne reviendrons pas à l'époque des comportements inconsidérés et des excès incontrôlés qui sont au coeur de cette crise, quand trop de gens n'étaient motivés que par le goût des marchés vite expédiés et des primes juteuses «, a dit M. Obama, qui n'en est pas à sa première diatribe contre les pratiques de Wall Street, objet d'indignation populaire.

Il a une nouvelle fois réclamé des « règles de conduite vigoureuses qui nous protègent contre les risques systémiques que nous avons connus ».

Il a rappelé les propositions détaillées par son administration en juin pour mettre fin aux fragilités d'un système dans lequel l'emballement d'une composante peut entraîner les autres : renforcement du contrôle exercé par la Réserve fédérale (Fed) sur les plus grandes institutions financières, création d'une autorité permettant au gouvernement de reprendre et de disposer de grandes institutions en déconfiture.

Une nouvelle agence de protection des consommateurs verrait le jour. Elle superviserait les crédits immobiliers et les crédits à la consommation.

Une dizaine de jours avant de recevoir à Pittsburgh les dirigeants des pays avancés et des grandes économies émergentes, le G20, Barack Obama a aussi affirmé la nécessité d'un effort commun « énergique « pour réformer le système mondial.

Ce sommet est précédé d'une vive querelle entre les États-Unis et un partenaire aussi important que la Chine, depuis que M. Obama a infligé des droits de douane supplémentaires aux pneus chinois.

M. Obama s'est gardé de toute motivation protectionniste, mais a certifié qu'il ferait respecter les accords commerciaux existants (voir la chronique de Claude Picher en page 5).

La régulation financière sera un sujet primordial au sommet. Mais la question des primes versées aux dirigeants de la finance devrait aussi accaparer des dirigeants divisés sur la question.

M. Obama a pressé Wall Street de renforcer la transparence et de récompenser les visions à plus long terme plutôt que les profits faciles, sans attendre que les parlementaires américains ne légifèrent.

Dans une apparente concession aux partenaires des États-Unis, M. Obama ne s'est pas contenté de montrer du doigt le monde de la finance.

« C'est une défaillance collective du sens des responsabilités à Washington, à Wall Street et dans toute l'Amérique qui a conduit au quasi-effondrement de notre système financier il y a un an.»

Résistance

Cet été, la nouvelle réglementation a cédé le pas dans le débat public américain à la réforme du système de santé.

Le gouvernement croit pouvoir faire inscrire dans la loi ces deux grandes réformes présidentielles d'ici à la fin de l'année.

Dans les deux cas, l'adoption est tout sauf acquise. Les résistances sont fortes au Congrès et à Wall Street. Les plus hauts dirigeants des banques n'étaient pas présents au discours de M. Obama.

Le président américain a appelé Wall Street à « bien accueillir » les réformes et non pas à les combattre.

« Il n'est ni juste ni responsable de votre part, après vous être rétablis avec l'aide de votre gouvernement, d'esquiver vos obligations quant à l'objectif d'une reprise plus étendue, d'un système plus stable et d'une prospérité répartie sur un plus grand nombre », a soutenu M. Obama.

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Mesures insuffisantesSept Américains sur dix doutent que les mesures prises par le gouvernement puissent éviter une nouvelle crise économique et financière, selon un sondage Associated Press-GfK rendu public hier. Par ailleurs, 80 % des personnes interrogées jugent préoccupant l'état de l'économie américaine, 16% estimant qu'il est satisfaisant. Interrogés sur les responsabilités de la crise et de la récession, 20% l'imputent à Obama, contre 54% à son prédécesseur George W. Bush et 19% à Bill Clinton. D'autre part, 79 % critiquent banques et établissements financiers, et 68% le manque de régulation des autorités fédérales. Le sondage a été réalisé du 3 au 8 septembre derniers par téléphone auprès d'un échantillon de 1001 adultes, avec une marge d'erreur de 3,1 points de pourcentage. - Associated Press

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Accord rejeté

Un juge fédéral a rejeté hier un accord à l'amiable entre la Bank of America (BofA) et la Securities and Exchange Commission (SEC) visant à régler une affaire concernant des primes payées par la banque d'affaires Merrill Lynch. Cet accord à l'amiable prévoit que BofA verse 33 millions US à la SEC, le gendarme de la Bourse américaine. Le juge Jed Rakoff a qualifié hier le règlement proposé d'« inadéquat «. Il estime que l'accord constitue « une sanction insignifiante pour une fausse déclaration qui a affecté matériellement une fusion s'élevant à plusieurs milliards de dollars «. Le mois dernier, le juge Rakoff a ordonné à la SEC d'expliquer pourquoi elle n'avait pas mené une enquête pour tenter de déterminer si des responsables de BofA avaient trompé les actionnaires sur les primes accordées par Merrill Lynch. Merrill Lynch a versé pour 3,6 milliards US de primes en 2008, bien qu'elle ait perdu cette année-là 27,6 milliards US. - Associated Press