La récession frappe fort aux États-Unis. Même les morts écopent.

Le nombre de corps non réclamés atteint des niveaux record dans plusieurs comtés américains, certaines familles ne pouvant tout simplement plus se permettre les coûts associés aux rites funèbres.

Le magazine Time a remarqué un tel phénomène dans des villes comme Detroit, Los Angeles ou Las Vegas. Les comtés où sont situées ces villes doivent donc assumer les frais de crémation ou d'inhumation.

Los Angeles et Las Vegas notent des hausses de 36 et 22% cette année. À Detroit, près de 70 corps sont prêts à être enterrés par l'administration publique. Dans près de 40 cas, la famille a renoncé à reprendre le corps en raison des coûts qu'une prise en charge représenterait.

Il n'existe rien de tel au Québec, selon ce qu'a constaté La Presse Affaires.

Martin Bolduc, propriétaire de Bleu Ciel, un centre funéraire de Montréal qui récupère les corps non réclamés, remarque une forte croissance du nombre de cas qui lui sont envoyés (190 sur une période de 12 mois, selon son dernier compte). Mais il attribue le phénomène plus à des raisons sociales (il y a davantage de gens qui vivent isolément) qu'à des raisons économiques.

«Et huit fois sur 10, la police finit par retrouver de la famille ou des amis qui veulent prendre le corps en charge», ajoute M. Bolduc.

L'État offre aussi, via l'aide sociale ou le régime des rentes, une aide financière de 2500$ pour aider les gens dans le besoin à procéder à des rites funéraires minimaux. «Souvent, c'est ce qui va faire la différence entre le fait que les gens s'en occupent ou ne s'en occupent pas», dit M. Bolduc.

Tendance au magasinage

Selon la plupart des centres funéraires contactés par La Presse Affaires, la récession n'a pas non plus poussé les Québec à mettre la pédale douce sur les frais funéraires. En fait, c'est une tendance qui est en marche depuis au moins cinq ans.

«De façon systématique, les gens demandent combien ça coûte, ils vont magasiner le prix, dit Martin Bolduc. Ce sont des choses qu'on ne voyait pas avant. Le changement s'est amorcé il y a 10 ans, mais s'accélère depuis cinq ans.» Selon M. Bolduc, l'endettement des consommateurs est plus à blâmer que la récession.

«Les gens ne sont plus à l'Église, ajoute M. Bolduc. Les rites de passage sont moins priorisés, ne font plus partie de la vie.»

Au Complexe funéraire Fortin, qui se targue d'avoir été le premier à indiquer ses prix dans ses publicités, le président Patrick Fortin soutient que le prix est devenu un élément important du choix des clients. «Les gens prennent le temps de magasiner, ils font plus attention.»

Tout est moins automatique que par le passé dans ce secteur, alors que les gens allaient à la maison funéraire habituelle et faisaient des choix traditionnels.

Les gens privilégient davantage la location de cercueils au lieu de l'achat et optent plus pour la crémation, note Pierre-Luc Landreville, thanatologue à la Résidence funéraire Omer Landreville & Fils de Joliette, fondée par son grand-père.

«Quand quelqu'un sonnait à la porte, mon grand-père savait qu'il allait vendre un cercueil et une exposition, dit M. Landreville. Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui.»

«Les gens sont plus sensibles au prix et remettent en question leur choix habituel de maison funéraire», dit Mario Aylwin, directeur général de la Coopérative funéraire de la Rive-Sud de Montréal.

Celui-ci remarque par ailleurs une faible diminution de revenus par funérailles depuis six mois, sans doute en raison de la récession. «Les gens vont par exemple louer un cercueil un peu moins cher, mais ils ne vont pas changer de rituel.» La récession ne les convaincra pas de passer de l'inhumation à l'incinération.

Selon une enquête du magazine Protégez-Vous publiée en janvier derniers, les frais funéraires, de l'embaumement à la mise en terre, varient de 11 000 à 19 000$, incluant un cercueil en chêne massif.