Washington a enfin dévoilé hier les détails du Programme d'investissement-public privé (PIPP) destiné à purger les banques de leurs actifs toxiques, jusqu'à concurrence de mille milliards de dollars.

En vertu de l'annonce faite hier par le secrétaire au Trésor Timothy Geithner, de 75 à 100 milliards US puisés dans le reste de l'enveloppe de quelque 700 milliards votée par le Congrès en octobre serviront à lancer deux programmes d'achat d'éléments d'actifs toxiques qui entachent le bilan des banques américaines et paralysent leur volonté de prêter aux particuliers et aux entreprises.

 

C'est par effet de levier et avec la contribution du secteur privé que Washington espère s'attaquer à l'origine du mal qui paralyse le crédit aux États-Unis.

Contrairement à ce qui s'était passé le 10 février, quand M. Geithner n'avait dévoilé que l'esquisse de son plan d'attaque, les marchés boursiers ont très bien réagi en prenant connaissance de sa mécanique. Les grands indices nord-américains ont bondi de 5 à 7%, propulsés par les titres financiers.

Le président Barack Obama s'est d'ailleurs dit «très confiant» dans la capacité du programme «à débloquer le crédit».

«Il n'y a aucun doute sur le fait que l'État prend des risques, admet toutefois M. Geithner, On ne peut pas résoudre une crise financière sans que l'État assume des risques.»

Dispositifs parallèles

Deux dispositifs parallèles sont mis en place pour traiter l'un des prêts hypothécaires et l'autre des produits financiers complexes garantis par ces mêmes prêts, fortement dépréciés depuis l'éclatement de la bulle immobilière, il y a maintenant deux ans.

Pour s'attaquer aux mauvais prêts, le Trésor fait équipe avec la Commission fédérale d'assurance sur les dépôts (FDIC) et avec le secteur privé.

Les banques vont d'abord identifier les prêts qu'elles sont disposées à mettre en vente. La FDIC va déterminer la valeur de ce qu'elle veut garantir, le maximum étant six fois la valeur du capital investi moitié-moitié par un investisseur privé et par le Trésor dans l'achat. Les prêts seront mis aux enchères et cédés au plus offrant des investisseurs privés qui sera chargé de les gérer.

Le Trésor donne l'exemple de prêts dont la valeur comptable est de 100$. Si l'enchère maximale est de 84$, l'effet de levier maximal que la FDIC est prête à garantir s'élève à 72$. L'investisseur et le Trésor devront donc avancer six dollars chacun pour faire le compte. En échange, la FDIC reçoit en nantissement les prêts de même que des frais.

Si l'investisseur parvient avec le temps à générer des profits, il les partagera avec le Trésor. S'il y a pertes, il les partagera aussi. Si la valeur tombe à zéro, alors le contribuable devra assumer 78 des 84 dollars engloutis, soit 93% de la mise.

En bout de piste, «c'est encore le citoyen américain qui prend le plus de risque, mais avec les autres options il aurait pris seul tout le risque», juge Martin Lefebvre, économiste senior chez Desjardins.

Le prédécesseur républicain de M. Geithner, Henry Paulson, avait tenté de se porter acquéreur des actifs toxiques avant de renoncer, faute de pouvoir leur attribuer un prix. Londres a plutôt demandé à la Banque d'Angleterre de garantir la valeur des prêts à risques et des produits structurés saucissonnés à partir de ces prêts, moyennant des frais élevés.

Huiler la machine

«Il faudra attendre qu'une ou deux transactions soient faites pour que la machine soit huilée, juge Mo Chaudhury, professeur de pratique financière, à la Chaire Desaultels de l'Université McGill. C'est la première fois qu'on essaye de déterminer un prix pour ce type d'actif.»

Il faut qu'il soit assez élevé pour que les banques acceptent de vendre et assez attrayant pour trouver des acheteurs. Cela suppose aussi que ces actifs ont une réelle valeur, ce dont plusieurs personnes doutent, à commencer par le Prix Nobel d'économie Paul Krugman.

Dans le cas des produits structurés, le dispositif fait entrer en scène des spécialistes en la matière.

Le Trésor veut en dénicher jusqu'à cinq, prêts à identifier les produits susceptibles de les intéresser. Il fera tandem avec eux pour la mise de fonds initiale, mettons 100$ chacun.

Ils pourront ensuite emprunter de 100 à 200$ au Trésor par l'entremise du PIPP, gonflant ainsi leur pouvoir d'achat de produits structurés jusqu'à 400$ par mise de 100$. Il leur sera possible ensuite de titriser leurs achats et vendre à certaines conditions le produit à la Réserve fédérale par l'entremise de son programme TALF (Troubled Asset-Backed Loans Facility).

BlackRock Inc, et Pacific Investment Management se sont montrés tous deux disposés à participer au plan de sauvetage.

 

Le plan Geithner points saillants Par l'AFP

WASHINGTON Voici les principales dispositions du plan dévoilé hier par le secrétaire au Trésor Timothy Geithner pour débarrasser les banques américaines de leurs actifs à risque

PRINCIPES GÉNÉRAUX

> Le Programme d'investissement public-privé (PPIP) va utiliser entre 75 et 100 milliards US de fonds publics, qui seront prélevés sur l'enveloppe de 700 milliards votée par le Congrès en octobre.

> Par effet de levier, cette somme va permettre de doter le programme d'un pouvoir d'achat de 500 milliards US. Cette somme pourra être portée jusqu'à 1000 milliards à l'avenir.

MÉCANISME DE RACHAT

> Les actifs proposés à la vente par les banques sont vendus au plus offrant.

> L'achat est en règle générale financé pour une part de capitaux et six parts d'emprunt, que fournira le régulateur bancaire FDIC.

Le rôle de la Fed et du Trésor

> Le programme lancé par la Réserve fédérale pour faciliter le refinancement des sociétés de crédit à la consommation (TALF) est élargi aux établissements détenant des créances immobilières (résidentielles et commerciales).

> Le Trésor américain va sélectionner cinq gestionnaires d'actifs (et peut-être plus), qui lèveront sur le marché des fonds pour racheter ce type d'actifs. Le Trésor apportera une somme équivalente à l'argent récolté, en tant que coinvestisseur.