Après avoir fermé sa porte aux mineurs de cryptomonnaies, Hydro-Québec mise sur le potentiel de la technologie que le bitcoin et les autres ont contribué à faire connaître et qui intéresse plusieurs gros canons du monde des affaires.

Boeing, IBM et Shell, pour ne nommer que ceux-là, veulent intégrer la technologie des chaînes de blocs dans leurs activités, lit-on dans des documents internes d'Hydro-Québec obtenus par la Loi sur l'accès à l'information. Une dizaine de projets sont décrits dans cette liste.

Hydro-Québec veut réserver un bloc d'énergie de 500 mégawatts aux projets d'utilisation de la technologie des chaînes de blocs les plus prometteurs et les plus intéressants pour le Québec.

Les entreprises qui figurent sur la liste obtenue par La Presse ne font pas l'objet d'avances de la part d'Hydro-Québec, a indiqué un porte-parole, Jonathan Côté. « On ne contacte personne, on attend la décision de la Régie de l'énergie », a-t-il dit.

Hydro a besoin de l'aval de la Régie pour valider sa décision d'offrir de l'électricité à bon prix aux meilleurs projets d'investissement qui lui seront soumis. Pour y avoir accès, les entreprises doivent s'engager pour une durée minimale de cinq ans et accepter de payer au moins 1 cent par kilowattheure de plus que les tarifs en vigueur. De plus, elles doivent s'attendre à des restrictions de service pendant la période de forte demande d'électricité au Québec, en hiver.

La plupart des demandes d'approvisionnement reçues par Hydro-Québec (95 %) provenaient d'individus ou de groupes d'individus intéressés par le minage de cryptomonnaies, une activité aussi volatile que gourmande en électricité. La société d'État a dû réagir en réclamant un tarif deux fois plus élevé que son tarif domestique régulier, soit 15 cents le kilowattheure, pour décourager ce type de demande.

UNE EXPÉRIENCE

Le potentiel de la technologie des chaînes de blocs ou des registres distribués, comme on la désigne aussi, suscite de l'intérêt partout dans le monde. « On peut dire que le réseau bitcoin et ceux d'autres cryptomonnaies constituent une sorte d'expérience de laboratoire ayant permis de tester une nouvelle technologie », estime l'économiste de Desjardins Hendrix Vachon, qui s'est penché sur ses futures applications.

Selon lui, la prochaine étape pourrait être les transactions courantes, parce que la technologie des registres distribués permet de traiter rapidement et à faible coût une grande quantité de transactions.

C'est la raison pour laquelle les banques centrales s'y intéressent. Les monnaies nationales comme le dollar canadien, le dollar américain ou l'euro pourraient un jour s'échanger sur des réseaux virtuels et remplacer l'argent comptant, déjà en déclin.

La banque centrale de Suède, par exemple, où l'argent comptant est en voie de disparition (seulement un peu plus de 1 % de la valeur de l'économie), pourrait devenir la première au monde à émettre sa monnaie en format virtuel, note l'économiste de Desjardins.

La multiplication des interactions numériques est une réalité dans tous les secteurs d'activité. C'est la raison pour laquelle la technologie des chaînes de blocs intéresse tant les entreprises.

Boeing, par exemple, travaille sur un système basé sur la chaîne de blocs pour renforcer les systèmes GPS de ses avions.

Une coentreprise formée de l'armateur Maersk et d'IBM veut se servir de la chaîne de blocs pour offrir un système d'information en temps réel des mouvements de marchandises et des contrats pour remplacer la paperasserie.

Hydro-Québec elle-même pourrait s'en servir. EDF, plus important fournisseur français d'électricité, veut simplifier les déplacements transfrontaliers des véhicules électriques en utilisant la chaîne de blocs pour le paiement des recharges.

- Avec William Leclerc, La Presse

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LA CHAÎNE DE BLOCS

La chaîne de blocs, ou « blockchain », est une technologie de stockage et de transmission d'information transparente et sécurisée, qui fonctionne sans organe central de contrôle. C'est une base de données qui contient l'historique des échanges effectués entre ses utilisateurs.

LES REGISTRES DISTRIBUÉS

Un registre distribué est une base de données de transactions partagée et synchronisée sur de nombreux sites, sans contrôle centralisé, qui permet de valider des transactions et d'en réduire le coût. Les registres distribués de chaînes de blocs peuvent être utilisés pour les titres fonciers, les prêts et tout ce qui a de la valeur.

CRYPTOMONNAIE

Il s'agit d'une monnaie virtuelle sans lien avec une politique monétaire ou une banque. Elle s'échange de manière électronique directement d'un appareil à l'autre, sans l'intervention d'un tiers. Il y a maintenant 1600 cryptomonnaies en circulation, soit 10 fois plus que le nombre de monnaies nationales.