Si Québec se prépare à épauler les plus petits joueurs de l'industrie de l'aluminium visés par les droits tarifaires aux États-Unis, Ottawa commencera par analyser les effets de cette nouvelle dispute commerciale afin de déterminer quelle forme d'aide est la plus adéquate.

«Ce que je peux vous dire, c'est que nous ferons tout pour aider l'industrie (de l'acier et de l'aluminium) et les travailleurs», a affirmé le ministre fédéral du Commerce international, François-Philippe Champagne, lundi, à Montréal, en marge d'un sommet sur l'aluminium, à trois jours du début de la rencontre du G7, jeudi, à La Malbaie.

Interrogé, celui-ci n'a toutefois fourni d'échéancier ou un exemple de l'appui qui pourrait être offert par le gouvernement Trudeau.

M. Champagne a rappelé qu'Ottawa avait déjà prouvé, dans le cadre de la dispute canado-américaine sur le bois d'oeuvre, qu'il se préoccupait des travailleurs.

Depuis la semaine dernière, le Canada, le Mexique et l'Union européenne ne sont plus exemptés des droits tarifaires de 25 % sur l'acier et de 10 % sur l'aluminium.

De son côté, la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, a été plus directe en début de journée, signalant que Québec allait intervenir auprès de ce secteur qui représente près de 30 000 emplois directs et indirects et plus de 1400 transformateurs.

«S'il y a un risque d'assister à des baisses de production ou des volumes d'exportation, nous serons là afin de nous assurer que les emplois sont maintenus», a-t-elle expliqué, dans le cadre de ses remarques visant à lancer la deuxième et dernière journée du sommet.

Une rencontre est prévue lundi prochain pour s'assurer que l'aide répond adéquatement aux besoins.

Québec compte adopter une approche similaire à celle mise de l'avant dans le conflit canado-américain sur le bois d'oeuvre, dans le cadre de laquelle jusqu'à 300 millions en prêts et garanties de prêt sont sur la table.

Sous pression

Contrairement aux producteurs primaires comme Rio Tinto, Alcoa et Aluminerie Alouette - qui exploitent neuf alumineries au Québec - les plus petits transformateurs n'ont peut-être pas tous les reins suffisamment solides pour absorber le tarif de 10 %, a signalé le président de l'Association de l'aluminium du Canada (AAC), Jean Simard.

«Nous sommes en territoire inconnu, a-t-il affirmé, ajoutant que la situation actuelle était une première. Nous aurons besoin (de temps) pour déterminer de quelle façon nous pourrons nous assurer de ne pas perdre de joueurs dans notre industrie.»

Dans l'immédiat, toutefois, le président de l'AAC ne s'attend pas à des pertes d'emplois dans l'industrie.

«Ce qui est survenu la semaine dernière est une attaque directe à l'endroit de notre économie et ce n'est pas raisonnable», a déploré Mme Anglade.

Production chinoise

D'ailleurs, les représentants des grands producteurs d'aluminium ont estimé que l'industrie devait faire bon usage de la crise actuelle dans le but de faire front commun dans le dossier de la surcapacité de production chinoise.

Qualifiant de «profondément troublante» la décision prise par Washington, M. Champagne a estimé qu'il ne s'agissait pas de la solution à la problématique actuelle.

En mêlée de presse, le directeur exécutif de la division Atlantique de Rio Tinto, Gervais Jacques, a expliqué que le forum visait notamment à recentrer le débat.

«Il est important de s'assurer comme industrie que nous soyons compris à tous les niveaux», a-t-il dit, en mêlée de presse.

Rencontre au sommet

Avant de se quitter, les participants ont plaidé pour la mise sur pied, par le G20, d'un Forum mondial sur la question de la surcapacité dans l'industrie du métal gris. Ils estiment que la production excédentaire chinoise vient perturber le marché et freiner la croissance de l'industrie de l'aluminium dans son ensemble.

Selon eux, la capacité de production des alumineries chinoises devrait bondir de 30 % en 2018, ce qui viendra ajouter 3,3 millions de tonnes d'aluminium - soit plus que la production canadienne - sur les marchés.

La Chine devrait produire environ 49 millions de tonnes de métal gris, soit près de 54 % de la capacité mondiale.

En point de presse, le président de l'AAC s'est montré confiant de la possibilité de convaincre les autorités chinoises de participer à cette initiative.

«La Chine est aux prises avec des fermetures de frontières alors que le pays souhaite se tourner vers les exportations, a dit M. Simard. Si les Chinois se butent à des frontières fermées en Amérique du Nord et en Europe, ils ont un problème. La Chine va finir par être obligée à s'asseoir (pour négocier).»

En dépit des tarifs aux États-Unis, les acteurs canadiens et américains de l'aluminium se disent unis vis-à-vis la Chine, ont-ils affirmé.