Le Groupe Desgagnés a officiellement baptisé hier le Mia-Desgagnés, le premier pétrolier de classe polaire capable de fonctionner au gaz naturel, réduisant ainsi ses émissions de gaz à effet de serre d'environ 25 %. Le nouveau navire place l'entreprise québécoise à l'avant-garde de l'industrie maritime internationale, qui vient d'énoncer de nouveaux objectifs environnementaux.

« Je ne peux pas nier notre fierté d'avoir réalisé deux premières mondiales en l'espace de quelques mois », a déclaré hier matin le président et chef de la direction du Groupe Desgagnés, Louis-Marie Beaulieu. Il y a un peu moins d'un an, Desgagnés avait en effet inauguré le Damia-Desgagnés, qui était pour sa part le premier asphaltier-bitumier-chimiquier à bicarburation.

Le Mia-Desgagnés est lui aussi un navire à bicarburation. En plus du gaz naturel liquéfié (GNL), il peut aussi fonctionner avec du diesel ou du mazout lourd. C'est évidemment en utilisant le GNL qu'il est le plus écologique : 25 % moins de monoxyde de carbone, 85 % moins d'oxyde d'azote, 95 % moins de particules et 99 % moins d'oxyde de soufre.

Par son design, le nouveau pétrolier de Desgagnés peut aussi transporter de 5000 à 7000 mètres cubes supplémentaires de produits avec un tirant d'eau inférieur d'environ deux mètres à celui de ses pétroliers traditionnels, ce qui améliore aussi nettement sa consommation de carburant.

PAS RENTABLE, MAIS ÉCOLOGIQUE

Desgagnés a déboursé plus de 50 millions de dollars pour ce navire fabriqué en Turquie. À lui seul, l'ajout d'un mode de carburation au GNL a alourdi la facture d'environ 9 millions de dollars. À court terme, il n'y a à peu près aucun incitatif à un tel investissement écologique, a reconnu M. Beaulieu.

« Quand nous avons pris la décision, c'était pour des raisons environnementales. Le délai prévu avant d'avoir un retour sur investissement était d'environ sept ou huit ans, ce qui est énorme. Normalement, on vise quatre ou cinq ans. Depuis, les prix du carburant ont changé et c'est devenu non rentable. Mais ce n'est pas grave.

« Nous aurions pu revenir sur notre décision, mais on n'a pas voulu, on voulait maintenir notre engagement », ajoute-t-il.

L'investissement était d'autant plus élevé pour Desgagnés qu'il lui a fallu créer la formation pour son personnel depuis une page blanche. Elle a aussi dû développer, en collaboration avec le Port de Montréal et Énergir, des procédures pour le remplissage des réservoirs de gaz naturel. Le Mia-Desgagnés transportera aussi à son bord un appareil nouvellement créé afin de faciliter son alimentation en gaz naturel dans les très nombreux ports qui ne sont pas adaptés à ce carburant.

Ces innovations pourraient rapporter à Desgagnés à plus long terme. L'Organisation maritime internationale a annoncé vendredi dernier s'être fixé une cible de 50 % de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. De nouvelles normes entreront aussi en vigueur au Canada et dans plusieurs autres pays en 2020.

« Des navires comme celui-ci nous permettent de respecter les nouvelles règles et nous placent à l'avant-garde de l'industrie », s'est réjoui M. Beaulieu.

Le Mia-Desgagnés devrait principalement être exploité pour transporter des produits pétroliers raffinés. En vertu de son faible tirant d'eau, l'entreprise entend l'exploiter principalement dans les ports dont les restrictions à ce chapitre sont plus importantes, notamment dans les Grands Lacs et sur la côte est américaine.

Photo David Boily, La Presse

Fabriqué en Turquie, le Mia-Desgagnés a coûté 50 millions de dollars, en plus d'une facture de 9 millions pour l'ajout d'un mode de carburation au gaz naturel liquéfié.