Québec et Terre-Neuve ont ratifié hier une entente de collaboration pour développer la fosse du Labrador, zone au fort potentiel minier qui longe la frontière entre les deux provinces. Un rapprochement qui laisse toutefois entier le différend de longue date sur l'hydroélectricité.

L'entente signée hier au terme de plusieurs mois de négociation prévoit des échanges d'information et la construction de routes pour encourager l'industrie minière.

À terme, Québec s'engage à prolonger la route 138, qui longe la Côte-Nord jusqu'à Blanc-Sablon, et à restaurer la route 389, qui se rend jusqu'à Fermont. St. John's poursuivra la restauration de la route 510, au Labrador, et étudiera la construction d'un « lien fixe » entre le nord de l'île de Terre-Neuve et le reste du continent.

« Les citoyens des deux provinces veulent voir leurs gouvernements travailler ensemble », a dit M. Couillard.

« Les travailleurs du Québec veulent être capables d'accéder aux chantiers du côté de Terre-Neuve et vice-versa. »

L'entente est muette sur le bras de fer qui oppose les deux provinces depuis des années sur l'hydroélectricité. Le contrat de Churchill Falls, signé en 1969, a été contesté à plusieurs reprises devant les tribunaux par Terre-Neuve-et-Labrador. La Cour suprême doit rendre une décision définitive en juin.

Pour le premier ministre terre-neuvien, Dwight Ball, ce litige ne doit pas empêcher les deux provinces de collaborer.

« Nous n'allons pas nous laisser dérouter par ce qui se déroule dans une salle d'audience au sujet de l'électricité, et manquer les véritables opportunités qui se présentent en transport et en développement minier », a-t-il fait valoir.

M. Couillard estime néanmoins qu'il est dans « l'intérêt fondamental du Québec » de régler la question de l'hydroélectricité une fois pour toutes. Il souligne que les investisseurs dans d'éventuels projets industriels souhaitent « une période de prévisibilité de tarifs » d'électricité qui va bien au-delà de 2041, date de la fin du contrat de Churchill Falls.

Bien accueillie

La signature de l'entente entre deux provinces qui ont maintes fois croisé le fer par le passé a été bien accueillie par l'industrie.

« Sur la question des infrastructures, entre autres, que les deux gouvernements coopèrent, c'est vraiment une bonne nouvelle », a résumé Armand MacKenzie, vice-président aux affaires gouvernementales et aux relations publiques de Tata Steel Minerals Canada (TSMC).

Ce géant minier exploite depuis 2013 une mine près de Schefferville, sur un gisement situé sur la frontière entre les deux provinces.

Selon M. MacKenzie, le rapprochement simplifiera les activités de son entreprise. Il cite en exemple l'approvisionnement en électricité : le barrage se trouve au Labrador, mais la ligne électrique qui dessert la mine est au Québec.

« Nous allons pouvoir maintenant exprimer nos besoins à une seule et même table et éviter de dédoubler nos efforts constamment », a expliqué M. MacKenzie.

«Très prometteur»

La fosse du Labrador s'étend sur 1200 kilomètres le long de la frontière entre Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec, jusqu'à la baie d'Ungava. On y trouve déjà plusieurs mines de fer, mais la région recèle toujours un potentiel « très prometteur », affirme Nochane Rousseau, associé et leader du secteur minier pour le Québec chez PricewaterhouseCoopers.

L'analyste souligne que la mise à niveau et l'extension des routes faciliteront l'exploration et la construction de nouvelles mines dans la région. Selon lui, le Québec est bien positionné pour profiter d'un développement minier grâce aux chemins de fer qui desservent les ports en eau profonde de la Côte-Nord. Et ce, même si les mines se développent du côté terre-neuvien.

« Lorsqu'on va transporter ce minerai, il va falloir passer par le Québec, a noté M. Rousseau. Donc toute l'activité économique va se faire par les chemins de fer et par les installations portuaires au Québec. »

QUÉBEC VEUT TOUCHER SA PART DE L'EXPLOITATION D'OLD HARRY

Le Québec ne compte pas exploiter le gisement pétrolier Old Harry, mais il voudra toucher une part des bénéfices si Terre-Neuve-et-Labrador devait le faire, a indiqué hier le premier ministre Philippe Couillard. « Ce qu'on veut faire, nous, c'est de ne jamais nous retrouver dans une situation où on serait exposés éventuellement à un risque sans avoir aucun bénéfice financier ou économique associé au projet », a-t-il dit. Le gisement chevauche les eaux territoriales des deux provinces. Il y a quelques activités d'exploration, mais aucun développement à grande échelle ne semble imminent, a indiqué le premier ministre terre-neuvien Dwight Ball. Sa province concentre ses efforts sur le développement du potentiel pétrolier dans l'océan Atlantique.

- Martin Croteau, La Presse