La société Kinder Morgan Canada a annoncé dimanche qu'elle suspend toutes les activités non essentielles et toutes les dépenses relatives au projet d'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain.

L'entreprise dit avoir pris cette décision à cause de l'opposition du gouvernement de la Colombie-Britannique à ce projet. Celui-ci a fait aussi l'objet d'une grande contestation de la part des écologistes et des Autochtones. Plusieurs manifestations se sont déroulées au terminal de la société à Burnaby, en Colombie-Britannique. Environ 200 personnes ont récemment été arrêtées pour avoir défié une injonction les empêchant de manifester trop près de l'endroit.

Kinder Morgan dit vouloir consulter «ses divers actionnaires» afin de conclure une entente d'ici le 31 mai qui permettrait au projet d'être réalisé.

La décision de la société pourrait être un coup dur pour le premier ministre fédéral Justin Trudeau, lequel a maintenu contre vents et marées que le projet sera complété malgré la vive contestation et la décision du gouvernement de la province de porter le dossier devant les tribunaux.

L'entreprise a souligné que sa décision finale sur l'avenir du projet sera fondée sur la certitude qu'elle pourrait exécuter les travaux en Colombie-Britannique et la protection des intérêts de ses actionnaires.

«Comme KML l'a dit à plusieurs reprises, nous utiliserons les fonds de nos actionnaires de façon justifiée. En gardant à l'esprit cet engagement, nous avons déterminé que dans le présent environnement, nous ne pouvons pas exposer nos actionnaires à des risques», a déclaré le président et chef de la direction de l'entreprise, Steve Kean.

«Une entreprise ne peut régler les conflits entre différents gouvernements. Même si nous avons remporté toutes les contestations judiciaires jusqu'à présent, une entreprise ne peut pas poursuivre un projet d'oléoduc au milieu de problèmes de juridiction entre gouvernements.»

M. Kean a soutenu que l'incertitude sur les capacités de l'entreprise de finir le projet «l'amène à conclure qu'il vaut mieux protéger les valeurs défendues par KML que risquer des milliards de dollars sur un résultat qui n'est pas de notre ressort».

Carr blâme Horgan

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr, a jeté le blâme au premier ministre de la Colombie-Britannique John Horgan et à son gouvernement pour la décision de Kinder Morgan. Il les a exhortés «à cesser toute menace visant à retarder le projet d'agrandissement du réseau de Trans Mountain».

Il laisse aussi planer la possibilité d'une intervention fédérale en affirmant que le gouvernement fédéral agira «dans l'intérêt national du Canada afin de (s') assurer que ce projet aille de l'avant», rappelant qu'il avait «la compétence en la matière».

«Celle-ci est bien reconnue en droit constitutionnel et a été réaffirmée à de nombreuses reprises par nos tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada», a indiqué le ministre, par voie de communiqué.

Pour sa part, le premier ministre fédéral Justin Trudeau a maintenu que le projet se réalisera. «Le Canada est un pays où règne la primauté du droit, et le gouvernement fédéral agira dans l'intérêt national. L'accès des ressources canadiennes aux marchés mondiaux est dans le plus grand intérêt du pays», a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Mais le gouvernement Trudeau n'en a pas fait assez pour défendre le projet d'oléoduc TransMountain, selon le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer.

«C'est une nouvelle dévastatrice pour le secteur énergétique et les travailleurs canadiens», a-t-il déclaré dans un communiqué. Il blâme Justin Trudeau qui, à son avis, «n'a pris aucune mesure concrète pour assurer la réalisation de ce projet» et l'accuse d'avoir imposé des politiques qui nuisent au secteur énergétique comme la taxe sur le carbone. Il ajoute que l'industrie pétrolière et gazière est l'une des «plus responsables sur les plans environnemental et social du monde».

La première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, elle aussi une néo-démocrate, partage la colère du ministre Carr.

«Les Albertains ont été clairs: construisez cet oléoduc. Les Albertains ont raison. Cet oléoduc doit être construit. Ne nous comptez pas pour battus. Cet oléoduc sera construit. Des dizaines de milliers d'emplois et des milliards de dollars pour l'économie. De meilleures écoles publiques. De meilleurs hôpitaux publics. C'est ce que signifie pour nous et le pays dans son ensemble cet oléoduc», a-t-elle déclaré.

De son côté, l'organisation Greenpeace s'est réjouie de la nouvelle.

«Même Kinder Morgan constate que son projet est sérieusement en péril. Les investisseurs doivent prendre note que l'opposition à ce projet est forte et profonde et prend de l'ampleur chaque jour, a déclaré le responsable de la campagne Énergie-Climat de Greenpeace, Patrick Bonin. Le désir des Britanno-Colombiens de protéger l'eau potable et l'environnement et de soutenir les communautés autochtones ne peut être ignoré ou balayé sous le tapis.»