Hydro-Québec a deux autres projets pour acheminer son électricité vers le Massachusetts, mais ses plans B et C sont moins rentables et tout aussi controversés que la ligne de transport Northern Pass qui vient d'être rejetée par l'État voisin du New Hampshire.

« On peut penser que le projet retenu par le Massachusetts était le moins coûteux des projets soumis par Hydro-Québec, ce qui veut dire que les autres options vont coûter plus cher », explique Jean-Thomas Bernard, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste de l'énergie.

En plus de leur coût plus élevé, les autres projets sont moins avancés que Northern Pass et ne seraient pas prêts à livrer de l'énergie avant 2022 dans le meilleur des cas, alors que le Massachusetts veut en recevoir en 2020.

Les options

PLAN B

New England Clean Power Link (NECPL)

Partenaire : Blackstone

Coût estimé (portion américaine) : 2,2 milliards US

Longueur : 157 milles

Tracé : à partir d'Alburgh, au Vermont, à la frontière québécoise, la ligne serait enfouie sous le lac Champlain pour 57 milles jusqu'à Benson, au Vermont, et enterrée sur une longueur de 97 milles jusqu'à Ludlow, toujours au Vermont, où elle rejoindrait le réseau de la Nouvelle-Angleterre.

Mise en service prévue : pas avant 2022

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C'est la plus avancée des deux autres options d'Hydro-Québec pour satisfaire aux conditions d'un contrat avec le Massachusetts. Elle a reçu les autorisations de l'État du Vermont et le permis présidentiel nécessaire quand une ligne de transport d'électricité traverse la frontière.

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Le projet ne se réalisera pas sans un contrat ferme de vente d'électricité à long terme, a prévenu le bailleur de fonds Blackstone. En outre, Hydro-Québec misait sur ce projet pour acheminer son électricité à New York, un marché encore plus important que celui de Boston.

PLAN C

New England Clean Energy Connect (NECEC)

Partenaire : Central Maine Power (transporteur et distributeur d'électricité avec 615 000 clients), propriété d'Avangrid, dont l'actionnaire principal est le géant espagnol de l'énergie Iberdrola

Coût estimé (portion américaine) : 1 milliard US

Longueur : 145,3 milles

Tracé : de la frontière ouest du Maine, à Beattie Township, une nouvelle emprise longue de 51 milles serait construite jusqu'à The Forks, où elle rejoindrait une ligne existante de Central Maine Power pour 94 milles jusqu'à Lewiston, toujours dans le Maine.

Mise en service prévue : pas avant 2022

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Plus court que les deux autres chemins considérés par Hydro-Québec, ce lien traverserait le territoire très peu peuplé du nord du Maine et emprunterait des corridors existants sur une grande partie de sa longueur.

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Pour atteindre le Massachusetts, une partie de la nouvelle ligne devrait traverser le New Hampshire, où elle risque de rencontrer la même opposition que celle qui a bloqué Northern Pass. Le projet est seulement au début d'un processus réglementaire. La liste des approbations nécessaires donne le vertige : 23 permis de 9 entités distinctes, dont le permis présidentiel, et l'approbation de 24 municipalités situées à proximité du tracé.

ET LA RENTABILITÉ ?

En admettant que les populations du Maine et du Vermont soient plus réceptives à accueillir une nouvelle ligne de transport, la question de la rentabilité se pose pour Hydro-Québec.

Depuis le temps qu'Hydro-Québec travaille à des projets de ligne de transport pour augmenter ses exportations, le prix de l'électricité aux États-Unis a beaucoup baissé, en raison de l'abondance et du prix très bas qui sert de base pour le prix de l'électricité sur le marché de gros.

Si le coût des nouvelles lignes de transport augmente, la rentabilité des exportations pourrait diminuer pour Hydro-Québec. Son président Éric Martel a indiqué, la semaine dernière, que le coût de l'électricité exportée était de 3 cents le kilowattheure, soit 2 cents pour produire l'électricité et 1 cent pour la transporter.

« Si Hydro ne peut pas obtenir plus que 3 cents sur le marché américain, il serait peut-être préférable qu'elle écoule ses surplus en vendant à rabais au Québec, à une aluminerie par exemple », estime le professeur Jean-Thomas Bernard.

LES CONCURRENTS

Parmi la quarantaine d'autres entreprises qui ont répondu à l'appel d'offres du Massachusetts, plusieurs reprennent espoir depuis le refus du New Hampshire d'approuver le projet Northern Pass.

Le producteur d'énergie de la Nouvelle-Écosse Emera, par exemple, qui s'est associé à Terre-Neuve-et-Labrador, a dit qu'il continuerait de faire avancer son projet Atlantic Link.

Ce projet mise sur l'énergie de la centrale en construction Muskrat Falls, sur des éoliennes construites au Nouveau-Brunswick et sur un lien sous-marin vers la Nouvelle-Angleterre.

Les producteurs d'énergie de la Nouvelle-Angleterre, qui ont combattu le choix du Massachusetts de conclure un contrat de 20 ans avec une entreprise étrangère, espèrent maintenant que ce marché leur redeviendra accessible.

« Chaque fois que nous nous retrouvons du côté des perdants dans un appel de propositions et que le processus est relancé, il y a lieu d'être optimiste », a commenté Dan Dolan, président de la New England Power Generators Association (NEPGA). L'association regroupe des entreprises qui produisent 84 % de l'électricité consommée en Nouvelle-Angleterre, surtout à partir de gaz, de mazout, de charbon et de nucléaire.

Le gouverneur du New Hampshire, Chris Sununu, s'est dit « étonné et déçu » de la tournure des événements. « C'est une erreur de tourner le dos à de l'énergie propre, renouvelable et à plus de 1000 emplois. »

Quant au Massachusetts, il n'a pas encore indiqué si le processus de sélection serait repris pour choisir un autre soumissionnaire.

- Avec l'Associated Press