Les trois plus importants producteurs de papier journal en Amérique du Nord, Résolu, White Birch et Kruger, doivent composer avec des droits (temporaires pour le moment) variant de presque rien (White Birch) jusqu'à près de 10 % (Kruger).

Les trois plus importants producteurs de papier journal en Amérique du Nord, Résolu, White Birch et Kruger, doivent composer avec des droits (temporaires pour le moment) variant de presque rien (White Birch) jusqu'à près de 10 % (Kruger).

Concrètement, cela signifie que le papier de White Birch deviendra plus attrayant parce que moins cher que celui de ses concurrents pour le marché américain.

Produits forestiers Résolu, qui se situe entre les deux avec des droits de près de 5 %, reconnaît que la concurrence vient tout à coup de s'accroître entre les producteurs canadiens et québécois. « Il va être difficile de refiler la facture aux acheteurs, comme c'est le cas pour les droits sur le bois d'oeuvre, parce que le marché du papier journal est en déclin », explique Karl Blackburn, porte-parole de Résolu.

Trouver de nouveaux marchés outre-mer pour le papier journal canadien est tout aussi difficile, puisque la décroissance du marché est généralisée.

La demande de papier journal a encore baissé de 11,2 % entre la fin de 2016 et la fin de 2017, selon Produits forestiers Résolu, premier producteur mondial en termes de capacité de production.

RESTER À FLOT

Il ne reste que la solution de se livrer une guerre entre producteurs d'ici pour tenter de se maintenir à flot.

Aucune explication n'a été donnée par le département du Commerce (DOC) des États-Unis pour expliquer la grande variation entre les droits imposés sur le papier journal canadien. On sait toutefois que l'entreprise la plus touchée, Kruger, a investi dans ses usines de Trois-Rivières et de Sherbrooke avec une aide très généreuse du gouvernement du Québec et que Résolu a plusieurs installations de cogénération qui revendent de l'électricité à Hydro-Québec à des tarifs très avantageux.

L'aide gouvernementale et les tarifs d'électricité ont été évoqués par le plaignant américain North Pacific Paper (Norpac) pour obtenir l'imposition de droits compensatoires sur les importations canadiennes.

White Birch, pour sa part, n'a pas reçu d'aide gouvernementale, mais n'a pas investi non plus dans la modernisation de ses installations. L'entreprise américaine est passée à travers une douloureuse restructuration en amputant sérieusement le régime de retraite de ses employés, surtout ceux de son usine de Québec.

EMPLOIS MENACÉS

La production de papier journal n'est pas rentable pour Résolu et l'est marginalement pour les autres producteurs. Pour Kruger, par exemple, les droits de 9,93 % représentent 75 $US la tonne, soit plus que sa marge de profit, selon une source de l'industrie.

Les droits imposés par le gouvernement américain se traduiront probablement par des fermetures et des pertes d'emplois chez les producteurs les plus touchés comme Kruger et Résolu, craint Renaud Gagné, directeur d'Unifor, le syndicat qui représente 1200 travailleurs québécois directement concernés par les droits compensatoires.

« Ce n'est pas normal qu'un seul producteur américain puisse menacer comme ça la survie de toute une industrie, a-t-il commenté. Et après le bois d'oeuvre, le papier surcalandré et le papier journal, est-ce que ce sera le carton et la pâte ? »

Une facture de 237 millions pour Résolu

Produits forestiers Résolu fait du bois d'oeuvre, du papier surcalandré et du papier journal, trois produits frappés de droits punitifs par le département du Commerce. « D'ici la fin de 2018, c'est 237 millions que nous allons payer au gouvernement américain », précise le porte-parole de l'entreprise. Les droits que doit payer Résolu sont de 17,9 % sur le bois d'oeuvre, de 17,87 % sur le papier surcalandré et de 4,42 % sur le papier journal.

Pas cher payé

Le président de Norpac a fait valoir hier que la décision préliminaire du DOC ne ferait augmenter le prix d'un journal que d'environ 5 cents seulement. « Ce n'est pas cher payé pour maintenir des emplois manufacturiers américains », a commenté Craig Anneberg.

Norpac possède une seule usine, dans l'État de Washington, qui emploie 600 personnes. Elle vient d'être rachetée par un fonds financier de New York qui est accusé par les éditeurs de journaux américains d'être derrière la plainte déposée au DOC afin d'augmenter la valeur de l'entreprise pour la revendre au plus vite.

Une stratégie politique claire

Dans sa décision préliminaire sur le papier journal canadien, le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a souligné que l'application des lois commerciales américaines était une priorité pour l'administration Trump. Du 20 janvier 2017 au 9 janvier 2018, le département du Commerce a entrepris 82 enquêtes sur le dumping et les droits compensatoires. C'est une augmentation de 58 % en un an, s'est-il félicité.