En raison des pluies exceptionnelles de cet automne sur la Côte-Nord, Hydro-Québec a dû ouvrir les vannes de ses évacuateurs de crues et laisser couler des millions de dollars de revenus potentiels.

Ces déversements sont les premiers à survenir à Manic depuis la construction du complexe hydroélectrique, dans les années 70. « Il s'agit d'une situation tout à fait exceptionnelle », a indiqué le porte-parole d'Hydro-Québec, Serge Abergel.

Selon lui, la région a reçu 100 millimètres de pluie de plus que la normale cet automne. « C'est de quatre à six fois plus d'eau. » Il précise que du 25 au 31 octobre, la rivière Bersimis a reçu plus de 108 mm de pluie, alors que la normale pour cette période est de 19 mm.

Comme les réservoirs étaient déjà remplis au maximum de leur capacité en prévision de l'augmentation de la demande d'hiver, Hydro a dû ouvrir les vannes des barrages de Manic, Bersimis, Toulnustouc et Outardes.

Les déversements sont une mesure de dernier recours pour Hydro-Québec, parce que l'eau qui coule sans passer par ses turbines ne produit aucun revenu. Les réservoirs qui servent à emmagasiner l'eau constituent en fait une banque de kilowattheures qui peuvent être produits et vendus selon les besoins en électricité de ses clients.

La société d'État doit composer avec des surplus importants, une faiblesse de la demande en électricité et une augmentation des apports d'eau dans ses réservoirs de la Côte-Nord, qui représentent 30 % de sa capacité totale de stockage.

Au total, Hydro-Québec gère 27 réservoirs qui, au maximum de leur capacité, contiennent suffisamment d'eau pour produire toute l'électricité consommée au Québec pendant un an. À un prix de vente moyen de 7 cents le kilowattheure, ça représente 12 milliards de dollars de revenus sous forme liquide.

TERRITOIRES INONDÉS

Les déversements ont inondé les berges des rivières en aval des barrages et submergé une partie des terres des Innus de Pessamit. L'entreprise Mashkuss Aventures de Pessamit, qui emmène des touristes dans la région, a notamment été engloutie sous deux mètres d'eau.

La Première Nation des Innus de Pessamit a accusé Hydro-Québec d'avoir mal géré ses réservoirs et elle réclame une compensation pour les pertes qu'elle a subies.

Les Innus de Pessamit, qui s'opposent au projet d'interconnexion Northern Pass qui permettrait à Hydro-Québec de doubler ses exportations aux États-Unis, ont fait le lien entre les inondations et ces ambitions d'exportation.

Ainsi, René Simon, chef du conseil des Innus de Pessamit, croit que les inondations n'ont rien à voir avec des pluies exceptionnelles et qu'elles s'expliquent par le besoin d'Hydro-Québec de prouver aux Américains qu'elle a suffisamment d'électricité pour les approvisionner à long terme.

« Dans sa course effrénée vers l'obtention de nouveaux contrats, Hydro-Québec s'est engagée auprès de ses clients potentiels de la Nouvelle-Angleterre à augmenter ses réserves au-delà des besoins du Québec. »

- René Simon, chef du conseil des Innus de Pessamit

Les récriminations des Innus ont du retentissement en Nouvelle-Angleterre, où Hydro-Québec convoite un gros contrat qui suscite beaucoup de convoitise parmi les producteurs d'énergie américains. Ce contrat sera attribué au début de 2018.

« Il est dommage que le conseil de bande de Pessamit tente d'associer cette situation météorologique exceptionnelle avec nos démarches sur nos marchés d'exportation », a fait valoir vendredi le porte-parole d'Hydro-Québec.

LA REMONTÉE DU DOLLAR MINE LES PROFITS

Un été moins chaud dans le nord-est du continent et la remontée du dollar canadien ont miné les profits d'Hydro-Québec pour les mois de juillet, août et septembre. Hydro rapporte un profit de 288 millions, en baisse de 6 % par rapport à la même période l'an dernier. « Même si les températures estivales dans nos marchés du Nord-Est américain ont été beaucoup moins chaudes cette année qu'en 2016, nos exportations nettes d'électricité se sont maintenues à un niveau élevé », a commenté Lise Croteau, vice-présidente exécutive et chef de la direction financière de la société d'État. La canicule inespérée du mois de septembre a contribué au maintien des exportations, qui ont généré des revenus de 406 millions. Le prix moyen a été de 4,2 cents par kilowattheure exporté. L'an dernier, Hydro avait exporté plus, mais à un prix inférieur. Après neuf mois, le bénéfice net d'Hydro-Québec est comparable à celui de l'an dernier, à 2,1 milliards.