La Ville d'Edmonton doit investir encore 10 millions de dollars pour faire sécher les déchets qu'elle envoie à l'usine de la société québécoise Enerkem pour qu'ils soient transformés en biocarburant.

Les tests effectués depuis la mise en production de l'usine, en 2014, indiquent que la matière première est trop humide. Un séchoir de fabrication allemande est en train d'être installé au centre de tri des déchets, qui fournit la matière première utilisée par Enerkem, a confirmé la porte-parole de la Ville d'Edmonton, Danielle Thibaudeau.

« Le séchoir sera utilisé pour continuer d'approvisionner l'usine, a-t-elle indiqué à La Presse. La Ville d'Edmonton est responsable des coûts associés au séchoir. »

Edmonton a déjà investi beaucoup d'argent dans le tri des matières résiduelles et dans l'usine d'Enerkem, afin de diminuer le volume de déchets qu'elle enfouit. Avec cet investissement supplémentaire, la Ville espère améliorer le rendement de l'usine.

PRODUIRE DE L'ÉTHANOL

La technologie conçue par Enerkem promet de produire de l'éthanol à partir des matières qui restent après le recyclage et le compostage, et qui sont destinées à l'enfouissement.

Inaugurée en 2014, Enerkem Alberta Biofuels n'a pas encore produit de biocarburant. Elle a commencé par produire du méthanol, un produit intermédiaire utilisé dans l'industrie pétrochimique.

L'entreprise québécoise installe actuellement un module qui lui permettra enfin de produire du biocarburant, deux ans plus tard que ce qui était prévu initialement. La production de l'usine est arrêtée depuis le printemps afin de permettre ces travaux d'installation, qui tirent à leur fin.

La production d'éthanol, le biocarburant attendu, devrait commencer bientôt, a fait savoir Pierre Boisseau, son directeur principal, communications et marketing. « C'est une question de semaines ou de mois », a-t-il précisé lors d'un entretien téléphonique.

L'usine devrait produire 38 millions de litres de biocarburant, une fois qu'elle aura atteint sa pleine capacité.

Selon lui, la décision de la Ville d'Edmonton de faire sécher les déchets ne veut pas dire que toutes les autres villes qui adopteront sa technologie devront faire la même chose.

« Chaque projet est unique. Si une ville collecte les matières organiques et que ses citoyens sont conscients de ce qu'ils jettent, par exemple, ce ne sera pas nécessaire. » - Pierre Boisseau

À Edmonton, l'usine d'Enerkem peut traiter tous les résidus qu'elle reçoit, peu importe le taux d'humidité. Mais si la matière première est plus sèche, « c'est sûr que ça va aider à générer de meilleurs rendements ».

Enerkem suscite beaucoup d'espoir avec sa technologie capable d'utiliser les déchets non récupérables pour faire rouler les voitures. Depuis 2003, elle a reçu plusieurs centaines de millions de dollars d'investisseurs publics et privés pour mener son concept à l'étape de la commercialisation.

L'expérience d'Edmonton est suivie de près par ceux qui s'intéressent à cette façon de faire d'une pierre deux coups, soit se débarrasser des déchets et produire un biocarburant qui n'entre pas en concurrence avec la chaîne alimentaire.

Après Edmonton, l'entreprise espère séduire d'autres clients au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Un projet d'usine comme celle d'Edmonton a déjà été annoncé en 2012 à Varennes, au Québec, mais le projet ne s'est pas encore réalisé.

Frédéric Potvin, directeur général de Tricentris, organisme qui gère les matières résiduelles de 44 municipalités québécoises, a été pressenti par Enerkem pour fournir de la matière première pour la future usine. Il souhaite qu'Enerkem réussisse, mais il doute de son modèle d'affaires. « Je ne pense pas que c'est une formule magique, estime-t-il. Ça dépend toujours de combien ça va coûter. »