Le groupe français Total, à la tête d'un consortium international avec le géant public chinois CNPC, a signé lundi un accord de 4,8 milliards de dollars avec l'Iran, défiant l'administration du président Donald Trump et le Congrès américain qui veulent renforcer les sanctions contre Téhéran.

L'accord préliminaire pour le développement d'un important champ gazier avait été conclu en novembre 2016 et devait être finalisé début 2017, mais le PDG du groupe français, Patrick Pouyanné, avait dit en février attendre la «décision finale» de l'administration américaine pour aller de l'avant.

Malgré l'hostilité grandissante de Washington, qui est notamment favorable à de nouvelles sanctions contre l'Iran, Total a décidé de sauter le pas.

Ainsi, la société française devient le premier groupe pétrolier occidental à revenir en Iran depuis l'accord nucléaire conclu en juillet 2015 entre Téhéran et les grandes puissances (États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne).

Cet accord sur le programme nucléaire iranien a permis en janvier 2016 la levée partielle des sanctions internationales contre Téhéran, ouvrant notamment la porte aux investissements étrangers nécessaires à la relance de l'économie.

Le gouvernement du président Hassan Rohani cherche ainsi à attirer les investissements dans le secteur énergétique pour développer de nombreux projets pétroliers, gaziers et pétrochimiques.

La signature de l'accord avec Total intervient quelques jours après une tournée du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, en Europe.

M. Zarif a été reçu vendredi par le président français Emmanuel Macron, à qui il a remis un message du président Rohani.

Jouer l'Europe contre les États-Unis 

Il avait été reçu auparavant par le président allemand Frank-Walter Steinmeier et le Premier ministre italien Paolo Gentiloni.

Téhéran cherche à renforcer les relations avec l'Union européenne, face à une administration américaine hostile.

«Malgré l'hostilité déraisonnable des États-Unis, l'Union européenne reste engagée à l'égard de l'accord nucléaire et l'entente constructive» avec l'Iran, avait écrit M. Zarif dans un tweet à la fin de sa tournée européenne.

«Succès de Zarif dans le recrutement d'alliés en Europe», avait titré de son côté le quotidien réformateur Aftab.

En vertu de l'accord conclu avec Total pour le développement de la phase 11 de Pars-Sud, le groupe français détiendra 50,1% des parts du consortium qui exploitera le champ gazier, suivi du groupe China National Petroleum Corporation International (CNPCI) avec 30% et de l'Iranien Petropars (19,9%).

Cet accord intervient malgré la position hostile de l'administration de Donald Trump, qui dénonce régulièrement l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et les grandes puissances, dont les États-Unis.

Mi-juin, le Sénat américain a voté à une écrasante majorité une nouvelle loi en faveur de nouvelles sanctions contre l'Iran, accusée de «soutien à des actes terroristes internationaux».

La loi, dénoncée par Téhéran, doit encore être examinée et adoptée par la Chambre des représentants et signée par le président Trump.

Difficultés pour investir 

La position hostile des États-Unis a rendu difficile la normalisation des relations économiques de l'Iran avec le reste du monde, notamment à cause de la réticence des grandes banques internationales à travailler avec Téhéran par crainte de mesures punitives de Washington.

La Maison-Blanche a aussi annoncé un réexamen de la politique américaine en ce qui concerne l'accord nucléaire, ce qui devrait être annoncé dans les prochaines semaines.

L'incertitude par rapport à la politique américaine et la probabilité d'un renforcement des sanctions ont refroidi les ardeurs de certaines firmes internationales comme la compagnie britannique BP alors que d'autres comme Shell ou Gazprom (Russie) ont pour l'instant conclu seulement des accords préliminaires.

«Les compagnies qui opèrent en Iran vont continuer à affronter une série de problèmes structurels, notamment la corruption, la bureaucratie, une instabilité potentielle» et la réticence de certains notamment dans la classe politique «à permettre une implication étrangère dans l'économie», souligne le cabinet  consultant BMI Research dans une note publiée lundi.

De son côté Total espère que cet accord ouvrira d'autres «opportunités» à la compagnie en Iran. Téhéran dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz, après la Russie, et des quatrièmes réserves mondiales de pétrole.

Depuis la levée des sanctions, Total est la troisième grande entreprise française à revenir en Iran, après les groupes automobile PSA et Renault. Ce qui place la France en bonne position sur le marché iranien.