Le projet d'oléoduc Énergie Est aurait des retombées économiques importantes au Québec au-delà de la seule phase de la construction, estime le ministère québécois des Finances. Controversé, le projet de pipeline entraînerait une hausse de 4,3 milliards du PIB du Québec sur dix ans et viendrait consolider l'industrie pétrochimique, avec ses 50 000 emplois.

Car avec le projet Énergie Est, les raffineries du Québec seraient à même d'obtenir de meilleurs prix en disposant d'une source d'approvisionnement supplémentaire, indiquent à La Presse des sources proches du dossier au gouvernement Couillard.

Le gouvernement avait dans un premier temps donné à Aviseo Conseil le mandat d'évaluer ces retombées, mais devant la controverse - la firme avait été jugée trop proche d'employés politiques libéraux -, le mandat avait plutôt été confié au ministère des Finances. Les conclusions de l'étude, bien que préliminaires, ont commencé à circuler à Québec. Le ministre de l'Environnement, David Heurtel et quelques collègues, Carlos Leitão (Finances) et Pierre Arcand (Énergie), ont eu droit à une présentation en février.

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis que ce mandat a été accordé, en avril 2016. L'étude intègre la probabilité de l'apparition d'un oléoduc nord-sud, le projet Keystone XL. Aussi, récemment, l'Office national de l'énergie a décidé de reprendre à zéro son examen d'Énergie Est, devant les accusations de partialité du premier processus formulées par les environnementalistes.

Avant de donner son feu vert au projet, le gouvernement devra évaluer aussi dans quelle mesure les sept conditions qu'il avait posées sont respectées ; il faudra jauger son acceptabilité sociale, son respect de l'environnement et l'évolution à long terme du marché énergétique canadien.

On se souviendra que le maire Denis Coderre s'était opposé au projet de TransCanada au nom des 80 maires de la Communauté métropolitaine de Montréal. Jusqu'ici, les adversaires du projet ont surtout relevé qu'une fois l'oléoduc construit, les retombées pour le Québec seraient homéopathiques ; environ 200 emplois et des stations de pompage pour transporter le 1,1 million de barils par jour vers Saint John au Nouveau-Brunswick.

LE PROJET « TIENT LA ROUTE »

D'autres études sont menées en parallèle. On a dit par exemple que le pipeline traverserait 860 cours d'eau, mais à l'examen, il s'avère que l'on traverserait 31 rivières de plus de 20 mètres de large, le seuil qui commande une installation particulière où le tuyau est alors enfermé dans une coque de béton.

Mais du point de vue économique, le projet tient la route, estiment les fonctionnaires de Carlos Leitão. En utilisant le modèle développé par l'Institut de la statistique du Québec, le ministère des Finances évalue que le pipeline de 600 kilomètres sur le territoire québécois assurerait la création ou le maintien de 3300 emplois par année en moyenne, durant les dix premières années. En revenus autonomes, le gain pour le fonds consolidé serait de 362 millions, toujours sur une décennie.

Sur 20 ans, on parle de 460 millions de revenus pour le ministre des Finances et un ajout de 7 milliards au PIB du Québec. Parce que la majorité des emplois sont liés à la phase de construction, on parle d'une moyenne de 1800 emplois par année sur deux décennies.

EFFETS « STRUCTURANTS »

L'étude relève l'effet structurant du projet Énergie Est sur l'ensemble de l'économie. Le projet permettrait à Valero, près de Québec, de s'approvisionner à meilleur prix, ce qui viendrait mettre en meilleure position concurrentielle l'ensemble de l'industrie pétrochimique, secteur où la concurrence internationale est musclée. Les emplois « consolidés » se concentrent dans la région de Montréal.

Le nouveau pipeline permettrait d'atteindre la capacité disponible de raffinage, soit 400 000 barils par jour. Actuellement, 300 000 barils sont transportés par oléoducs aux raffineries. Le secteur des produits du pétrole et de la pétrochimie au Québec représente 47 700 emplois, dans 1600 établissements. C'est 10 % du secteur manufacturier québécois et 27 % de toute cette activité au Canada.

L'étude fait aussi une prévision sur la répartition régionale des retombées. S'il y a des avantages dans plusieurs secteurs, on constate que Chaudière-Appalaches, Montréal, le Bas-Saint-Laurent et la Capitale-Nationale auraient les bénéfices les plus importants.

EMPLOIS

Pour la phase de construction, de 2018 à 2021, la région de Montréal aurait 1200 emplois en moyenne par année, Chaudière-Appalaches aurait 1300 travailleurs de plus, et le Bas-Saint-Laurent, 1100.

Au chapitre des investissements liés à la construction, Chaudière-Appalaches et le Bas-Saint-Laurent feraient les gains les plus importants, avec près de 1 milliard, respectivement 25 et 22 % du projet. Montréal aurait 59 millions d'investissements, 1,5 % du projet, selon ce modèle.

L'étude du Ministère table sur une croissance constante de la demande mondiale d'énergie, une hausse de 1 % par année, d'ici 2040. La demande de pétrole augmentera de 0,5 % par année, car le recul prévisible dans les pays industrialisés sera annulé par les pays en développement. L'Agence internationale de l'énergie prévoit que le pétrole constituera toujours en 2040 27 % de l'énergie consommée, contre 31 % en 2014.