Justin Trudeau devrait s'imposer contre Donald Trump, selon le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, qui a encouragé mardi le premier ministre à rejeter l'appui du président américain au projet d'oléoduc Keystone XL.

Il s'agit de la meilleure occasion pour M. Trudeau de démontrer un peu de résistance à l'égard de son nouvel interlocuteur à la Maison-Blanche, a affirmé M. Mulcair, qui tient une rencontre stratégique avec les députés néo-démocrates à Ottawa cette semaine.

Donald Trump a ramené Keystone XL dans l'actualité, mardi matin, en signant un document ouvrant la voie au projet d'oléoduc transfrontalier qu'avait rejeté l'administration de Barack Obama pour des raisons environnementales.

En point de presse à Calgary, mardi, le premier ministre Trudeau a clairement exprimé son appui au projet d'oléoduc. Il a précisé avoir parlé à deux reprises avec M. Trump dans les dernières semaines. «J'ai souligné que oui, je suis en faveur de ce projet (Keystone XL), qui va amener de bons emplois pour les Albertains, de la croissance économique», a-t-il dit.

Le chef néo-démocrate estime que le projet Keystone XL serait une «erreur considérable» pour le Canada.

Il a appelé M. Trudeau à expliquer comment le projet de TransCanada peut s'aligner avec les cibles du gouvernement libéral sur les changements climatiques. M. Mulcair a également rappelé que le premier ministre lui-même avait dit que les projets d'oléoducs approuvés par l'ancien gouvernement conservateur n'avaient pas été soumis à un examen environnemental approprié.

«M. Trudeau, qui était d'accord avec Keystone XL - est-ce qu'il va vraiment approuver cela?», a demandé M. Mulcair, soulignant les engagements internationaux du Canada en matière de réduction de gaz à effets de serre.

Par le passé, Donald Trump a déjà dit que les changements climatiques constituaient un canular inventé par les Chinois, a indiqué le chef néo-démocrate.

«Nous ne pouvons pas laisser les fanfaronnades de M. Trump nous faire oublier les aspects essentiels de l'environnement, des émissions de gaz à effets de serre et du changement climatique», a-t-il ajouté.

Projet approuvé depuis 2010

On ne sait pas très bien si Justin Trudeau pourrait changer de cap à ce point-ci. L'oléoduc avait reçu le feu vert de l'Office national de l'énergie en 2010, sous l'ancien gouvernement conservateur.

Dans un communiqué, le ministère des Ressources naturelles a récité des formules convenues sur la relation entre le Canada et les États-Unis, «le plus grand partenaire commercial et l'ami le plus proche» - soulignant au passage que le gouvernement fédéral avait déjà approuvé le projet.

«Toutes les approbations réglementaires sont en place et il incombe maintenant à TransCanada de déterminer les prochaines étapes», peut-on lire.

Il est peu probable que M. Trudeau puisse changer le cours des événements, même s'il le voulait, a analysé un expert dans le domaine de l'énergie, le professeur Warren Mabee, de l'Université Queen's.

«Cela ne semble pas probable que notre gouvernement (...) puisse faire ce que M. Mulcair suggère», a-t-il indiqué. Une bonne partie de l'oléoduc dans sa portion nord a déjà été construite, a-t-il fait remarquer.

Malgré les qualificatifs peu flatteurs qu'a utilisés M. Mulcair à l'égard de M. Trump - il l'a déjà qualifié de «pompeux» et de «fasciste» -, les néo-démocrates ont trouvé un terrain d'entente avec son administration quant à leur opposition au Partenariat transpacifique. Le président américain a retiré son pays de l'accord commercial, lundi, signant son arrêt de mort.

«Honnêtement, je ne suis pas déçu de le voir disparaître», a affirmé M. Mulcair.

Malgré cela, le parti s'est montré très sévère à l'égard du nouveau président républicain - surtout les députés qui aspirent à succéder à M. Mulcair.

«Donald Trump est absolument un extrémiste. Nous devons dénoncer les attitudes sexistes, racistes et homophobes qu'il semble promouvoir», a lancé le député britanno-colombien Peter Julian.

La députée manitobaine Niki Ashton a dénoncé l'autre projet d'oléoduc que M. Trump a approuvé mardi, le Dakota Access, qui a été vigoureusement contesté par les Sioux de Standing Rock au Dakota du Nord.

«Aujourd'hui, nous l'avons vu prendre position (...) contre les droits des Autochtones en appui au Dakota Access et ça ne fait même pas une semaine (qu'il est là)», a déploré Mme Ashton.

La rencontre du caucus néo-démocrate se poursuivra jusqu'à jeudi.

Le cabinet libéral ravi

Mardi matin, à Calgary, les ministres fédéraux avaient réitéré leur appui au projet Keystone XL, juste avant l'annonce du président Trump à la Maison-Blanche.

«Nous appuyons ce projet depuis le jour de notre assermentation», a lancé le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr. «Nous croyons qu'il s'agit d'un bon projet aussi bien pour le Canada que pour les États-Unis.» Selon le ministre, Keystone XL créerait 4500 emplois dans le secteur de la construction, et raffermirait les relations du Canada avec les États-Unis.

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, aussi responsable du commerce entre le Canada et les États-Unis, a rappelé que le projet, appuyé par les libéraux alors qu'ils étaient encore dans l'opposition, respecte le désir du gouvernement canadien de concilier environnement et emplois.

«Nous croyons fermement qu'il est non seulement possible mais vital de mettre en place des politiques solides en matière de changements climatiques - le gouvernement canadien n'est jamais allé aussi loin en imposant un prix au carbone -, et en même temps permettre l'acheminement de nos ressources naturelles vers les marchés» d'exportation, a soutenu la députée torontoise, née en Alberta.

Interrogé sur la nécessité d'un nouvel oléoduc pour «faire sortir» le pétrole de l'Alberta, après l'approbation par Ottawa de l'agrandissement de l'oléoduc TransMountain vers le Pacifique, le ministre des Transports, Marc Garneau, a soutenu que «le besoin est toujours là».

«Vous savez que le Canada est le premier pays vis-à-vis la vente d'énergie aux États-Unis, et c'est quelque chose qui continue pour le moment, alors je pense que si l'oléoduc est bâti, c'est parce qu'il y a un besoin», a-t-il estimé.

La première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a salué l'annonce de mardi, mais elle a rappelé que son gouvernement met surtout l'accent sur les oléoducs à destination de raffineries et de ports canadiens, ou sur les exportations vers l'Asie. La première ministre néo-démocrate promet aussi de veiller au grain lorsque Washington voudra renégocier les termes du projet Keystone XL.

Le maire de Calgary, Naheed Nenshi, qui a rencontré le cabinet fédéral mardi matin, a souligné que l'économie albertaine, durement frappée depuis plus de deux ans, bénéficiera de la construction de l'oléoduc. «Le taux de chômage à Calgary est le plus élevé de toutes les agglomérations métropolitaines au Canada», a-t-il rappelé.

Photo Archives, La Presse canadienne

Jim Carr