Hydro-Québec et son équivalent ontarien, l'Independent Electricity System Operator (IESO), annonceront aujourd'hui un contrat, fruit de plusieurs mois de négociations secrètes, qui assurera des recettes de 1 milliard de dollars, sur sept ans, à la société d'État québécoise.

Cette annonce sera le point saillant de la rencontre du Conseil des ministres conjoint entre le gouvernement Couillard et celui de Kathleen Wynne, rencontre qui se tient aujourd'hui à Queen's Park.

Déjà sous Jean Charest, on avait mis en marche ces réunions conjointes annuelles qui se tiennent alternativement à Québec et à Toronto. La première ministre Wynne a mis beaucoup de poids pour la signature de cette entente. L'IESO voulait multiplier les centrales au gaz, une mauvaise nouvelle pour une province qui vient de se doter, comme le Québec, d'une bourse du carbone. Le ministre québécois Pierre Arcand s'est rendu à quelques reprises à Toronto pour assurer le progrès des négociations.

L'entente entre en vigueur le 1er janvier prochain. Les interconnexions actuelles sont suffisantes pour transporter l'énergie vendue.

Le contrat d'aujourd'hui est une première ; les ventes fermes d'électricité du Québec se sont toujours faites vers le Sud, vers les États de la Nouvelle-Angleterre. Une vente ferme auprès de nos voisins de l'Ouest n'a pas de précédent. 

Hydro-Québec a déjà vendu de l'électricité à sa voisine, mais sur une base ponctuelle, sans contrat à long terme.

Spécialiste de ces questions, Jean-Thomas Bernard, professeur invité à l'Université d'Ottawa, juge que le Québec fait une bonne affaire, même si Hydro n'a pas indiqué à quel prix elle vendait cette énergie. L'électricité en Ontario vient à 60 % du nucléaire, à 20 % du gaz et seulement à 15 % de l'hydroélectricité. La province vient de mettre un frein à de très coûteux programmes de production éolienne et solaire. À Ottawa, on produisait de l'énergie solaire à un coût presque cinq fois supérieur à celui de l'énergie d'Hydro-Québec, soit 32 ¢/kWh contre 7 ¢/kWh.

TROIS VOLETS

En vertu de l'entente en trois volets, Hydro-Québec vend deux térawatts par an à l'Ontario, une transaction « ferme » qui générera 100 millions de dollars de recettes annuelles durant sept ans.

Cela représente 1 % environ de la production d'Hydro-Québec. HQ produit environ 200 térawattheures par an, et les Québécois en consomment environ 170. Ces surplus importants devaient être écoulés par un programme sur 10 ans mis en place sous Pauline Marois, mais qui a connu un succès mitigé. 

« Cent millions pour 2 térawattheures par année signifie 5 cents le kilowattheure ; c'est plus que ce que HQ va chercher à l'exportation ; mais ça ne couvre pas le coût de développement au Québec. C'est le meilleur usage possible pour des surplus, mais ça ne vaut pas la peine de développer pour vendre à ce prix. »

- Jean-Thomas Bernard, professeur invité à l'Université d'Ottawa

Deuxième volet de l'annonce d'aujourd'hui, l'Ontario retourne au Québec 500 mégawatts en puissance, en tant qu'échanges saisonniers, évitant à Hydro de produire cette énergie dans les périodes de pointe en hiver. La demande atteint alors 39 000 mégawatts, ce qui se rapproche de la limite de production d'Hydro, observe le professeur Bernard. Hydro-Québec voulait rouvrir la centrale au gaz de TransCanada près de Trois-Rivières pour un appoint de quelques centaines d'heures par année, ce qui ne sera pas nécessaire. Cette entente évitera probablement un affrontement avec les environnementalistes qui s'opposaient à la réouverture de cette centrale au gaz.

Ces 500 mégawatts « saisonniers » représentent une économie de 50 millions par an pour la société d'État québécoise, soit 350 millions sur les sept années de l'entente.

Finalement, le Québec « stockera » de l'énergie produite par le réseau éolien de l'Ontario. Cette énergie réduira la ponction sur les barrages d'Hydro qui retournera l'énergie économisée à sa voisine selon ses besoins. Le réseau hydroélectrique ontarien ne s'appuie pas beaucoup sur des barrages, ce qui rend difficile le « stockage » chez nos voisins.

REVENUS TOTAUX DES VENTES À L'EXPORTATION EN 2015  

902 millions

Prix moyen : 5,7 cents le kilowattheure

REVENUS ANNUELS ATTENDUS DES VENTES À L'ONTARIO 

143 millions

Prix moyen : 5 cents le kilowattheure

PHOTO Jacques Boissinot, Archives La Presse canadienne

Le premier ministre Philippe Couillard et son homologue ontarienne Kathleen Wynne