Alors que l'Ontario se prépare à joindre le marché du carbone, les entreprises ont boudé massivement les plus récentes enchères conjointes organisées par le Québec et la Californie.

Seulement 11% des unités mises en vente ont trouvé preneur, et des entreprises comme Valero et Suncor, qui ont toujours participé à ces enchères, n'y étaient pas le 18 mai dernier.

Il n'en fallait pas plus pour soulever des doutes sur l'efficacité du Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission (SPEDE) auquel le Québec et la Californie sont actuellement les seuls participants. C'est ce qu'a fait le Wall Street Journal, l'influent quotidien américain, qui estime que la jeune Bourse du carbone nord-américaine pourrait subir le même sort que le système européen d'échanges de crédit de carbone, qui s'est écroulé après quelques années.

Le SPEDE semble souffrir d'une baisse de popularité. Seulement 43 émetteurs assujettis ont participé à l'enchère du 18 mai dernier, comparativement à 82 en février et 99 en mai 2015, relève Pierre-Olivier Pineau, de la Chaire en gestion de l'énergie de HEC Montréal, qui s'interroge lui aussi sur les raisons de cette désaffection.

«Il n'y a pas eu de réduction massive des émissions qui pourrait expliquer ça. Dans le secteur du transport surtout, les ventes de VUS sont à un niveau record et les ventes d'essence augmentent», dit M. Pineau. 

L'explication pourrait être de nature technique, estime Carol Montreuil, porte-parole de l'Association canadienne des carburants. Selon lui, les entreprises assujetties aux règles de la Bourse du carbone doivent se conformer à certains objectifs pendant des périodes de trois ans. Elles peuvent acheter des crédits de carbone chaque année pendant ces trois ans, ou au moment qui leur convient le mieux.

La première période de conformité de trois ans a pris fin en novembre dernier. La prochaine se termine en novembre 2018, ce qui laisse du temps aux entreprises. Comme le prix des crédits de carbone est toujours au plancher fixé par la loi et ne bouge à peu près pas d'une enchère à l'autre, les entreprises peuvent prendre le risque d'attendre avant d'en acheter. «Ça devient une question de cash-flow et de contexte économique», résume Carol Montreuil.

La Bourse du carbone a été mise sur pied pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en incitant les entreprises à diminuer chaque année leurs émissions ou à défaut, à acheter des crédits pour compenser leurs émissions. Ce marché génère des revenus importants pour les gouvernements, qui se sont engagés à les utiliser dans la décarbonisation de l'économie.

Au Québec, les revenus générés par la vente de crédits de carbone dépassent le milliard de dollars et sont versés au Fonds vert.

Le Québec et la Californie sont actuellement les seuls participants à la Bourse du carbone nord-américaine, mais ils pourraient être rejoints d'autres États et provinces, dont l'Ontario.

Le gouvernement ontarien vise 2017 pour faire son entrée dans le Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission, mais la mesure suscite beaucoup de controverse et ça pourrait être retardé.