Rio Tinto vient de mettre sur le marché de l'aluminium étiqueté comme un produit fabriqué avec de l'énergie renouvelable, à un prix supérieur au prix du marché. Et des clients en achètent, malgré l'abondance de l'offre.

« On est les seuls à avoir lancé le produit RenewAl, qui a une prime attachée à la production d'aluminium avec de l'hydroélectricité », a fait savoir jeudi Gervais Jacques, le chef des affaires commerciales de Rio Tinto Aluminium, lors d'un entretien avec La Presse.

Les ventes d'aluminium « vert » sont encore marginales. « C'est 5 à 6 % de notre production faite avec de l'hydroélectricité, mais c'est une tendance. On n'avait pas de demande comme ça avant. »

Environ 80 % de l'aluminium de Rio Tinto est produit avec de l'énergie hydroélectrique et la plus grande partie l'est au Canada, au Saguenay et en Colombie-Britannique.

Des entreprises comme Tesla et Apple sont prêtes à payer plus cher pour de l'aluminium produit avec de l'énergie renouvelable. 

« Ce sont de grandes entreprises, qui sont responsables et soucieuses de leurs chaînes de valeur parce que leurs clients veulent savoir ce qu'ils achètent », a dit Gervais Jacques.

Le dirigeant espère que la tendance est là pour rester, un peu comme les légumes biologiques, qui étaient une rareté il n'y a pas si longtemps, se sont taillés une place sur le marché. « On n'est pas encore là, mais on est au début de quelque chose. »

L'aluminium vert n'est pas encore facile à vendre, reconnaît-il. Il faut surtout ne pas s'adresser aux acheteurs de l'entreprise, pour lesquels seul le prix compte, mais plutôt discuter avec la personne chargée du développement durable, qui peut voir les avantages de payer une prime verte, note-t-il.

UN MARCHÉ DÉBOUSSOLÉ

Le vendeur en chef de Rio Tinto Aluminium était l'invité du Conseil des relations internationales de Montréal. Il a expliqué à son auditoire que le marché de l'aluminium était déboussolé.

« La demande est en croissance, mais le prix baisse parce que la production est plus forte que la demande. » Mais alors que les surplus restent importants au niveau mondial, le marché américain est en déficit d'environ 3,4 millions de tonnes de métal primaire.

Cette anomalie profitera aux usines canadiennes, qui exportent presque toute leur production aux États-Unis.

La production d'aluminium de Rio Tinto devrait d'ailleurs augmenter en 2016, après plusieurs années de réduction. Cette production supplémentaire viendra de l'aluminerie de Kitimat, qui produira à plein régime après avoir été modernisée, mais aussi de l'usine Laterrière au Saguenay, où des investissements de 36,6 millions permettront d'augmenter la production de 15 000 tonnes par année.

Le marché change et Rio Tinto ne produit plus de l'aluminium comme avant, a précisé Gervais Jacques. Le producteur d'aluminium a déserté le marché de masse, où les producteurs à faibles coûts de la Chine ou du Moyen-Orient ont l'avantage. « Il y a sept ou huit ans, trois roues d'automobiles sur quatre étaient fabriquées avec notre aluminium, a-t-il illustré. Aujourd'hui, c'est une sur quatre. »

L'entreprise s'éloigne du marché des produits de commodités et fabrique de plus en plus des produits à valeur ajoutée pour un nombre toujours plus grand de clients. « C'est 70 % de notre production qui est constituée de produits à valeur ajoutée destinés à des marchés ciblés », relève Gervais Jacques.

PHOTO Martin Chamberland, LA PRESSE

Gervais Jacques, le chef des affaires commerciales de Rio Tinto Aluminium, était l’invité du Conseil des relations internationales de Montréal, hier.