L'absence d'accord à Doha entre les principaux pays producteurs de pétrole pour geler leur production au niveau actuel est en quelque sorte une bonne nouvelle pour le marché du brut.

L'industrie espérait beaucoup de cette rencontre, la première depuis 15 ans à réunir des pays membres et non membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), soit 18 au total, qui n'ont pas réussi à s'entendre.

« Une entente pour geler la production n'aurait probablement rien changé », estime Mathieu d'Anjou, économiste chez Desjardins. L'effet à la hausse sur les prix aurait été temporaire, parce que tous les producteurs auraient continué à produire à plein rendement, et l'écart actuel entre l'offre et la demande se serait maintenu, selon lui.

En fait, ce rendez-vous manqué, parce qu'il maintient les prix bas, aide le marché à retrouver l'équilibre, ce qu'il a déjà commencé à faire, lentement mais plus solidement qu'avec un accord fragile.

Le mouvement vers le rééquilibrage est bel et bien amorcé.

D'une part, les producteurs américains qui perdent de l'argent au prix actuel ont commencé à réduire leur production. Le nombre de forages en activité est en baisse et la production aussi. De 9,3 millions de barils par jour il y a un an, la production de pétrole américain était passée à 8,9 millions de barils par jour au début du mois d'avril.

L'économiste Dina Ignjatovic, de la Banque TD, s'attend à ce que la production américaine continue de diminuer d'ici à la fin de 2016, pour finir l'année à la moyenne de 8,8 millions de barils par jour.

L'augmentation fulgurante de la production de pétrole aux États-Unis est ce qui a le plus contribué à déséquilibrer le marché, qui a vu les prix passer de 115 $US le baril au milieu de 2014 à moins de 30 $US le baril au début de 2016.

Cette production qui fait appel aux nouvelles technologies d'extraction, plus coûteuses, est aussi celle qui souffre le plus des bas prix actuels, ce qui explique qu'elle ait commencé à diminuer.

En même temps, l'augmentation de la demande mondiale contribuera à faire diminuer les surplus. Les prix bas et la croissance économique plus forte dans de nombreux pays grands consommateurs de pétrole, comme les États-Unis, ont déjà commencé à réduire ce déséquilibre. De 2 millions de barils par jour à la fin de 2015, les surplus de pétrole sont actuellement estimés à 1,5 million de baril par jour. À la fin de 2016, ils pourraient avoir fondu à 200 000 barils par jour, selon les plus récentes estimations de l'Agence internationale de l'énergie.

La consommation de pétrole dans le monde a augmenté de 1,8 million de barils par jour en 2015. Cette année, la demande devrait croître d'encore 1,2 million de barils par jour.

UN LONG PROCESSUS

Le brut a fini la journée à 39,78 $ US le baril hier à New York, en baisse de 58 cents, une légère baisse qui indique bien que les investisseurs ne croyaient pas vraiment à la conclusion d'un accord dimanche à Doha.

Le marché du pétrole mettra du temps à retourner à l'équilibre, parce qu'à court terme, l'offre totale continuera d'augmenter. En plus de l'Iran, qui veut accroître sa production jusqu'au niveau où elle était avant les sanctions économiques internationales, l'Irak et la Libye sont aussi en rattrapage.

Mais surtout, l'Arabie saoudite a menacé d'augmenter sa production de 2 millions de barils par jour, si aucune entente n'intervenait entre les principaux pays producteurs. L'incitation à produire plus est d'autant plus grande que les prix très bas réduisent les revenus que le pays tire de sa ressource. Les coûts de production en Arabie saoudite sont plus bas qu'ailleurs dans le monde.

Malgré cette incertitude, la plupart des analystes s'attendant à une augmentation du prix du pétrole d'ici à la fin de 2016. Chez Desjardins, Mathieu d'Anjou mise sur 50 $US le baril, tout comme Dina Ignjatovic, de la TD.

À plus long terme, un lent rétablissement des prix est à prévoir, selon les observateurs, parce que la baisse des investissements dans la nouvelle production contribuera à réduire l'offre.