Les autorités américaines se sont opposées mercredi à la fusion à 34,6 milliards de dollars des groupes de services pétroliers Halliburton et Baker Hughes, tentant de freiner la consolidation d'un secteur actuellement en pleine crise.

«La fusion proposée entre Halliburton et Baker Hughes éliminerait une concurrence essentielle, déséquilibrerait le marché de l'énergie et nuirait aux consommateurs américains», affirme le département de la Justice (DoJ), indiquant avoir porté plainte devant un tribunal du Delaware où les deux groupes sont enregistrés même s'ils ont leurs sièges respectifs à Houston, au Texas.

La procédure américaine veut que les régulateurs saisissent la justice pour faire valider leur veto, mais les tribunaux peuvent toujours donner raison aux entreprises.

«Cette opération est sans précédent en matière de questions relatives à la concurrence et de concentration qu'elle soulève», argumente le DoJ, qui est le premier régulateur important à s'opposer à ce mariage vu également d'un mauvais oeil par les majors pétrolières.

La Commission européenne a de son côté également ouvert en janvier une enquête approfondie sur cette opération, tandis que le régulateur australien ACCC a fait part de ses réserves en octobre.

Avec le franco-américain Schlumberger, Halliburton et Baker Hughes dominent le secteur des services pétroliers, actuellement en pleine crise du fait de la chute des cours du pétrole ayant entraîné la réduction des investissements.

Dans ce contexte, les majors pétrolières demandent à leurs sous-traitants de baisser leurs tarifs, au risque d'entamer leur rentabilité. Ils n'ont pas d'autre choix que de faire des économies: Tant Halliburton que Schlumberger ont annoncé plusieurs milliers de suppressions d'emplois.

Dans un communiqué commun, Halliburton et Baker Hughes ont indiqué qu'ils entendaient «s'opposer vigoureusement» à la plainte des autorités antitrust américaines qu'ils accusent «d'être parvenues à la mauvaise conclusion dans l'évaluation de l'opération» et d'avoir pris une décision «contre-productive». 

Chevron et Total contre 

Annoncée en 2014, la fusion Halliburton-Baker Hughes a déjà pris beaucoup de retard: elle devait être initialement finalisée en 2015, mais le calendrier a été revu par deux fois, en raison des réticentes du DoJ, qui a durci le ton depuis quelques mois à l'encontre les grandes manoeuvres observées dans plusieurs secteurs de l'économie américaine. Il est notamment opposé au rapprochement entre les fabricants d'articles de bureau Office Depot et Staples.

Pour obtenir l'aval des autorités antitrust, Halliburton et Baker Hughes envisageaient de céder des activités représentant plusieurs milliards de dollars notamment dans le forage, les cintres de revêtement, la cimenterie offshore et les sables bitumineux.

Cela «devrait être plus que suffisant pour répondre aux préoccupations du DoJ», ont répété les deux groupes mercredi.

Le DoJ a rétorqué que «les cessions proposées permettraient à Halliburton de conserver les meilleurs actifs des deux groupes tout en vendant les moins importants à un tiers».

Le rapprochement Halliburton (65 000 employés) Baker Hughes (43 000) est censé donner naissance au numéro un mondial de la profession: la nouvelle entité afficherait un chiffre d'affaires annuel de 39,4 milliards de dollars, contre 35,48 milliards pour l'actuel numéro un Schlumberger (95 000 salariés).

En augmentant sa taille, Halliburton espère se retrouver en position de force dans les négociations commerciales avec les grands groupes pétroliers auxquels il fournit des technologies.

S'il ne pouvait pas augmenter ses tarifs dans le créneau très concurrentiel du forage et de la fracturation hydraulique où sont omniprésents des acteurs chinois, indiens et sud-coréens, le groupe américain se retrouverait en position de force dans des zones d'exploration pétrolière requérant un haut savoir-faire technologique comme l'Arctique, selon les analystes.

«Environ 80% du marché des services pétroliers les plus importants seraient entre les mains de deux entreprises», Schlumberger et Halliburton-Baker Hughes, selon Bank of America.

Pas étonnant que des majors pétrolières tels Chevron et Total aient fait part de leur opposition au mariage.

«Évidemment quand vous avez moins de concurrence chez les fournisseurs de services je n'y suis pas favorable», a déclaré récemment Patrick Pouyanné, le patron du géant pétrolier français.

En cas de rupture des fiançailles, Halliburton, qui a compté parmi ses dirigeants le républicain Dick Cheney successivement secrétaire à la Défense américain dans les années 1990 puis vice-président dans les années 2000, devrait verser une indemnité de 3,5 milliards de dollars à Baker, selon les termes de leur accord.