Le Canadien Pacifique (CP) se réjouit d'une récente décision de la Cour d'appel fédérale, qui confirme les limites de sa responsabilité juridique à la suite de déraillements de trains transportant des produits toxiques volatils, ce qui pourrait lui donner des armes dans les procédures liées à la tragédie de Lac-Mégantic.

La convention sur les tarifs du CP prévoit qu'en cas de déraillement, le transporteur ne peut être tenu responsable dans le cadre de poursuites intentées notamment pour des décès causés par des produits toxiques volatils ou des dommages causés à l'environnement, à moins qu'il soit démontré que le transporteur a été le seul acteur négligent ou coupable d'une faute intentionnelle dans l'accident.

Le tribunal a confirmé en décembre que le CP avait raison de faire ainsi porter à l'expéditeur une bonne partie de la responsabilité juridique dans le cas de poursuites intentées à la suite d'un déraillement. Le CP peut même exiger des indemnités à l'expéditeur si le déraillement a eu lieu après que le transporteur a confié le convoi à une autre entreprise ferroviaire.

Juste avant la tragédie de Lac-Mégantic, le CP avait ainsi confié en amont, à Montréal, le funeste convoi pétrolier à la Montreal Maine & Atlantic (MMA), pour effectuer le dernier tronçon du transport ferroviaire jusqu'au Nouveau-Brunswick.

Les entreprises expéditrices avaient porté plainte à l'Office des transports du Canada, plaidant que le CP (TSX : CP) tentait de se dégager de ses obligations juridiques en limitant sa responsabilité grâce à une provision de la convention sur les tarifs ferroviaires. L'Office des transports avait donné raison aux expéditeurs en 2013, mais la décision du tribunal quasi judiciaire indépendant a été infirmée en décembre par la Cour d'appel fédérale.

« Le tribunal reconnaît à l'unanimité que les marchandises transportées ne comportent pas toutes le même risque, et que les chemins de fer, dans leurs conventions tarifaires, sont parfaitement en droit de limiter leur exposition au risque dans le cas de transport de certaines marchandises », a écrit dans un courriel le porte-parole du CP, Jeremy Berry.

Lac-Mégantic

La décision de la Cour d'appel fédérale ne touche que le transport de produits toxiques volatils, comme du gaz liquéfié ou comprimé, mais des avocats impliqués dans cette affaire soutiennent que le jugement pourrait être interprété plus largement par le CP pour inclure d'autres marchandises - comme du pétrole brut.

Depuis la tragédie de Lac-Mégantic, qui a fait 47 morts au coeur de l'été 2013, le CP fait face à deux poursuites civiles : dans une action collective, les victimes et les créanciers accusent le transporteur de négligence, alors que le gouvernement du Québec poursuit le CP pour 400 millions $ en dommages. Aucune de ces poursuites n'a été entendue par un tribunal jusqu'ici.

Le CP plaide qu'il ne peut être poursuivi puisqu'il avait remis le convoi à la MMA avant l'accident et que le train, qui appartenait à la MMA, était alors sous la responsabilité des employés de la MMA sur des rails de la MMA. Le hic, c'est que ce petit transporteur a fait faillite après la tragédie, parce que son assurance ne pouvait couvrir les dommages réclamés par les victimes et les créanciers.

Lors des audiences sur la faillite, quelque 25 entreprises accusées de responsabilité dans l'accident ont convenu de participer à un fonds d'indemnisation des victimes, en échange d'une immunité contre toute poursuite future. Seul le CP a refusé de participer à ce fonds, et demeure donc la seule entreprise toujours solvable qui puisse être poursuivie dans cette affaire.

Ian MacKay, l'avocat d'un plaignant dans la cause en Cour d'appel fédérale, croit que le CP pourra se servir du jugement de décembre pour se défendre contre ces deux poursuites.