Philippe Couillard a suscité bien des froncements de sourcils en prédisant la fin du recours au gaz naturel d'ici 2050 au Québec. Prévision réaliste ou élan d'enthousiasme exagéré?

En marge de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dimanche à Paris, le premier ministre québécois a vanté les mesures mises en place par son gouvernement pour favoriser le gaz naturel liquéfié, moins polluant que le diesel. Philippe Couillard a aussi avancé que les Québécois devront apprendre à se passer du gaz naturel - et des autres énergies fossiles - d'ici 35 ans, alors que s'amorce une transition graduelle vers la «décarbonisation» de l'économie.

Quelle stratégie?

Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) a mis en garde le gouvernement contre une transition trop rapide vers une économie verte.

Selon l'association pro-entreprises, «le Québec n'a absolument pas les moyens de stopper les projets actuels d'exploitation et de transport d'hydrocarbures» sans appauvrir la province. «On ne peut tout simplement pas changer du jour au lendemain un modèle de développement économique qui existe dans le monde depuis la révolution industrielle, il y a 150 ans, a fait valoir Éric Tétrault, président de MEQ, dans un communiqué. Pendant ce temps, les énergies vertes et leurs procédés et infrastructures sont loin d'être à maturité.»

L'organisme presse Québec de se doter d'une véritable stratégie de transition.

Selon Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire et expert du secteur énergétique à HEC Montréal, l'objectif de Philippe Couillard apparaît irréaliste. «Ce sera très difficile d'éliminer complètement le gaz naturel d'ici 2050, d'autant plus qu'on peut faire du gaz naturel renouvelable. On en fait déjà au Québec.»

M. Pineau donne l'exemple de la biométhanisation des déchets, qui permet de produire un gaz «renouvelable.»

13,8% de la consommation

Quelle est l'importance réelle du gaz naturel dans la province? Selon un avis préparé par la Régie de l'énergie, il représentait 13,8% de la consommation énergétique des Québécois en 2011, au deuxième rang des sources les plus utilisées. D'ici 2030, la demande de gaz naturel devrait croître d'environ 2% par année dans la province, indique une étude réalisée par KPMG-SECOR.

Commotion chez Gaz Métro

La déclaration du premier ministre a causé une certaine commotion chez les 1400 employés de Gaz Métro, mais le vice-président de l'entreprise, Patrick Cabana, est prêt à parier que le gaz naturel fera encore partie de la solution en 2050. Il a rappelé hier que le gouvernement du Québec investit conjointement avec Gaz Métro pour remplacer des formes d'énergie plus polluantes comme le pétrole et le mazout par du gaz naturel.

«D'ici les 15 prochaines années, on a toutes les raisons d'être optimistes», a-t-il dit. Et après? «On va travailler fort pour démontrer qu'on continue de faire partie de la solution», a assuré Patrick Cabana. Le vice-président a rappelé que de gros projets d'investissements ont été annoncés au Québec en raison de la disponibilité du gaz naturel.

Réduire les importations

L'Association pétrolière et gazière du Québec s'est dite d'accord avec l'idée de réduire les importations d'hydrocarbures. Sans surprise, toutefois, le regroupement réfute le bien-fondé de vouloir éliminer tout recours au gaz naturel d'ici 35 ans.

«Je vous rappelle qu'on prédit la fin du pétrole depuis une cinquantaine d'années, et ce n'est pas ce qui s'est passé», a fait valoir le porte-parole, David Lefebvre.

La Coalition avenir Québec s'est montrée plus virulente à l'endroit de Philippe Couillard, lui demandant de retirer ses propos formulés dimanche à Paris. «On ne peut tout simplement pas prédire la mort d'une industrie en tant que premier ministre, particulièrement une industrie aussi importante pour le Québec», a dénoncé la porte-parole de la CAQ en matière d'énergie, Chantal Soucy.