L'organisme Manufacturiers et exportateurs du Québec salue la volonté du premier ministre Philippe Couillard de se diriger vers une économie plus verte mais a de sérieuses réserves quant à la manière pour y parvenir.

Par Pierre Saint-Arnaud LA PRESSE CANADIENNE

MONTRÉAL - 

Participant à la conférence sur les changements climatiques à Paris, M. Couillard n'a pas caché sa réticence face à l'exploitation éventuelle de gisements de pétrole et de gaz naturel sur l'île d'Anticosti, en plus d'évoquer une sortie éventuelle du gaz naturel d'ici 2050.

Manufacturiers et exportateurs demeure fermement derrière les projets d'exploitation d'hydrocarbures sur l'île d'Anticosti et la construction du pipeline Énergie Est, de TransCanada, estimant qu'ils sont nécessaires au développement économique du Québec d'ici à ce qu'une transition soit complétée.

Son président, Éric Tétrault, estime à cet égard qu'il est essentiel que Québec établisse rapidement un plan de transition cohérent pour soutenir ce qui n'est, pour l'instant, qu'un discours.

«M. Couillard s'est comporté comme un homme d'État responsable, c'est-à-dire qu'il faut agir concrètement et plus rapidement pour lutter contre les changements climatiques», a-t-il d'abord reconnu en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Mais on insiste sur la nécessité d'avoir une stratégie de transition économique au Québec qui nous permettra de migrer vers d'autres formes d'énergie sans que notre économie en souffre», a-t-il ajouté.

Dans le secteur de l'énergie, certains joueurs visés par ces propos ont accueilli le tout avec philosophie.

«Ce n'est pas négatif; c'est clair qu'on sort des paradigmes actuels», a déclaré le vice-président de Gaz Métro, Patrick Cabana, à La Presse Canadienne, en marge d'un forum sur les Ressources naturelles organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Quand on va investir pour 30 ans ou 40 ans, on ne peut pas tenir pour acquis que dans 30, 40 ans il n'y a rien qui va bouger. Mais on a confiance que le gaz naturel va être encore là», a-t-il ajouté.

Il a dit percevoir ces propos «comme un signal» pour l'entreprise Gaz Métro qu'elle devra continuer d'innover pour demeurer au diapason des besoins de la société.

Dans le dossier Anticosti, M. Cabana a rappelé que le débat ne porte pas sur une exploitation dans le but d'assurer la sécurité énergétique du Québec, puisque l'approvisionnement à bon prix en gaz naturel est déjà assuré.

Le débat, selon lui, porte plutôt sur: «est-ce qu'on profite de l'occasion pour créer de la richesse?». Tout en reconnaissant qu'il s'agira là d'un choix de société, il a fait valoir que, tant qu'on se servira du gaz naturel, «pourquoi ne pas le produire nous-mêmes, de façon écoresponsable et générer de la richesse ici?»

Le responsable du projet Énergie Est chez TransCanada, Louis Bergeron, n'est également guère surpris des propos du premier ministre Couillard à Paris.

«C'est cohérent avec ce qu'on entend depuis quelques mois», a-t-il affirmé en mêlée de presse lors du même événement.

M. Bergeron abonde toutefois dans le même sens que son collègue de Gaz Métro, notant que la sortie des hydrocarbures n'étant pas pour demain, des décisions doivent être prises pour l'avenir à court et moyen terme.

«Quand on regarde la quantité de pétrole qui est actuellement transportée par chemin de fer ou par d'autres modes de transport, on voit qu'il y a un besoin d'améliorer les infrastructures, mais ce n'est pas nécessairement un besoin pour les 100 prochaines années. Ça peut être un besoin pour les prochaines décennies pendant qu'on fait la transition», a-t-il dit.

Éric Tétrault rappelle pour sa part que les hydrocarbures sont une composante économique qui va bien au-delà de ces projets ou du transport et qu'ils sont au coeur des procédés manufacturiers, de la production des plastiques et ses dérivés, notamment.

«Actuellement - et c'est ce qui nous surprend beaucoup - il n'y a pas eu d'étude sérieuse qui a été déposée à Paris sur ce que coûte réellement la lutte aux changements climatiques», a indiqué M. Tétrault en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Il faut que le citoyen soit informé avant de prendre des décisions: il n'y a aucun doute qu'au Québec, il y aura un coût réel sur notre PIB», a-t-il ajouté.