Six mois après avoir abandonné son projet de port pétrolier à Cacouna, TransCanada (T.TRP) renonce finalement à en construire un au Québec dans le cadre de son controversé oléoduc Énergie Est.

La société albertaine a confirmé ses intentions jeudi matin en expliquant qu'elle soumettra un amendement à l'Office national de l'énergie (ONÉ) détaillant le nouveau tracé de son tuyau.

«Nous avons mené des études approfondies au cours des derniers en plus d'avoir consulté plusieurs communautés locales», a expliqué en entrevue le président d'Énergie Est, John Soini.

Ainsi, l'oléoduc de 4600 kilomètres visant à transporter quotidiennement 1,1 million de barils de pétrole des sables bitumineux albertains ne comportera qu'un terminal maritime -à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

En dépit de ce revirement de situation, la mise en service du projet de 12 milliards $ est toujours prévue pour 2020. L'oléoduc approvisionnera les raffineries de Suncor à Montréal et de Valero à Lévis.

La société albertaine dit avoir étudié «plusieurs, plusieurs sites», mais n'a pas voulu dire si un endroit semblait plus avantageux qu'un autre.

«Je ne peux pas dire si nous étions plus près avec un site qu'un autre», a dit M. Soini.

De plus, il n'est pas clair si TransCanada a prévenu le gouvernement Couillard de ses intentions. Questionné à quelques reprises, M. Soini a simplement répondu que la compagnie «discutait avec le gouvernement depuis le premier jour».

À Québec, le ministre de l'Environnement David Heurtel a expliqué qu'il n'avait pas été informé de la décision de TransCanada avant que l'entreprise publie un communiqué, tôt jeudi matin, pour l'annoncer.

Cette annonce de TransCanada survient au lendemain de la décision de l'administration Obama de refuser sa demande de suspension d'étude temporaire pour le projet Keystone XL aux États-Unis.

Malgré l'absence d'un port pétrolier au Québec, l'entreprise albertaine persiste et signe et martèle que les bénéfices à long terme seront au rendez-vous à long terme pour la province.

M. Soini a rappelé que les raffineries québécoises de Suncor et Valero bénéficieront du projet, et qu'il y aura des emplois reliés à Énergie Est après sa mise en service.

«Il va y avoir 500 emplois à long terme et nous allons payer plus de 1,19 milliard $ en taxes sur la phase d'exploitation», a-t-il dit.

En avril dernier, TransCanada avait renoncé à son projet à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent, parce que la zone était fréquentée par des bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent.

Réactions

Chez les environnementalistes, la nouvelle est accueillie sans surprise.

«Il y avait de l'opposition dans plusieurs villes au Québec et TransCanada n'avait pas de plan B», a noté Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat/Énergie chez Greenpeace.

Bien que l'on se réjouisse de l'élimination conséquente du risque qu'aurait posé une circulation accrue de superpétroliers dans le fleuve Saint-Laurent, on ne fait que changer le mal de place, selon lui.

«Ce risque-là est transposé au Nouveau-Brunswick, qui va se retrouver à recevoir davantage de bateaux d'exportation», fait valoir l'environnementaliste, qui rappelle que l'absence de port ne réduit en rien les autres risques reliés au projet d'oléoduc.

«On prévoit toujours faire passer de très grandes quantités de pétrole à travers le Québec, qui traverseraient la rivière des Outaouais, le fleuve Saint-Laurent, longeraient des communautés, ce qui représentait une épée de Damoclès permanente sur l'eau potable et l'environnement de millions de Québécois.»

La réaction est tout à fait inverse dans le milieu des affaires, où l'on constate que les paramètres du nouveau projet présentent des avantages.

«D'une façon générale, ce projet-là nous plaît encore plus que le premier, même s'il n'y a pas de terminal au Québec», affirme le président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, Éric Tétrault, qui explique que la nouvelle mouture d'Énergie Est contient des obligations d'investissement local plus importantes.

«On parle d'une centaine de fournisseurs au Québec, de 5000 à 10 000 emplois créés ou maintenus, on parle d'un siège social à Montréal, ce qui était absent de la première mouture.»

M. Tétrault ajoute que le fait d'approvisionner les raffineries québécoises de Valero et Suncor «garantit encore plus fermement que les raffineries au Québec et toute l'industrie pétrochimique qui les accompagne peuvent demeurer en opération», des retombées impossibles à chiffrer dans l'immédiat, mais «excessivement importantes», selon lui.