Le géant de l'aluminium américain Alcoa (AA) s'est résolu lundi à se scinder en deux sociétés indépendantes, pour se protéger de l'instabilité des prix des matières premières et avoir les coudées franches dans son offensive vers l'aéronautique et l'automobile.

Cette décision traduit d'un côté les difficultés que connaît depuis quelques années Alcoa dans son coeur de métier historique de l'aluminium où une surabondance de l'offre a provoqué une chute des cours.

Cette situation a forcé le groupe, créé en 1888, de se lancer dans une vaste restructuration comprenant notamment son développement dans d'autres métaux et des fermetures d'usines et de fonderies jugées peu rentables.

De l'autre côté, la séparation en deux entités cotées en Bourse consacre la montée en puissance des industries aéronautique et automobile au sein d'Alcoa.

«Cette décision signifie que notre transformation est en train de réussir», a pour sa part souligné le PDG Klaus Kleinfeld, lors d'une conférence téléphonique avec les analystes.

Et de poursuivre: «au cours des dernières années, nous avons transformé Alcoa avec succès pour créer deux moteurs de création de valeur solides qui sont maintenant prêts à poursuivre leur propre stratégie chacun de leur côté».

La séparation en deux sociétés cotées, prévue pour le second semestre 2016, doit encore recevoir le feu vert du gendarme de la Bourse américaine, la SEC.

La division aluminium va conserver le nom Alcoa et regroupera les activités d'exploitation du bauxite, de l'alumine et de l'aluminium, de fonderie et d'énergie.

Elle sera composée de 64 sites répartis dans le monde et emploiera environ 17 000 salariés, pour un chiffre d'affaires annuel de 13,2 milliards de dollars et un excédent brut d'exploitation de 2,8 milliards de dollars.

L'autre entité, qui n'a pas encore de nom, comprendra les produits et solutions d'ingénierie, ainsi que les solutions destinées à l'aéronautique et à l'automobile.

Cette branche, qui affichait au 30 juin un chiffre d'affaires annuel de 14,5 milliards de dollars pour un excédent brut d'exploitation de 2,2 milliards de dollars, sera composée de 157 sites employant 43 000 personnes.

Pour bien montrer que c'est son relais de croissance, les rênes de cette entité sont confiées à Klaus Kleinfeld, lequel restera aussi le patron d'Alcoa jusqu'à la fin de la transition.

«Ce n'est pas vraiment un choc. Cette scission était dans les tuyaux depuis longtemps», avance David Gagliano, analyste chez BMO Capital Markets.

La valeur d'Alcoa en Bourse était, selon l'expert, freinée depuis quelque temps par les contre-performances des activités historiques de l'aluminium.

Conscient que la crise de 2008 avait failli l'emporter, Alcoa s'est engagé après les années 2010 à revoir son portefeuille pour moins dépendre des fluctuations des prix de matières premières.

Le géant s'est alors fixé comme cap de répondre aux besoins des secteurs aéronautique et automobile qui font de plus en plus appel aux matériaux composites plus légers dans la production de leurs nouveaux modèles.

Les avionneurs Boeing et Airbus, qui ont augmenté leurs cadences de production forts de carnets de commandes garnis, font de plus en plus appel aux matériaux composites plus légers pour les trains d'atterrissage des avions de nouvelle génération moins gourmands en carburant.

Alcoa a par conséquent investi massivement dans son activité de produits et solutions d'ingénierie d'Alcoa, qui fabrique des pièces pour les deux constructeurs aéronautiques et des groupes automobiles comme Ford.

Alcoa investit aussi beaucoup dans des métaux légers comme le nickel, le titane et le lithium. Dans ce cadre, le groupe a racheté en mars le groupe RTI International Metals, spécialiste du titane.

Si les marchés saluaient lundi la nouvelle stratégie, avec un bond de 3,42% à 9,38 dollars du titre dans les premiers échanges à Wall Street, certains analystes restaient prudents.

Des incertitudes demeurent notamment sur la répartition de la dette de l'actuel Alcoa, les charges liées aux retraites et les problématiques environnementales, énumère l'analyste John Sullivan chez la banque Sterne Agee.

Le PDG Klaus Kleinfeld a indiqué que le groupe allait inscrire une charge «unique» dans ses comptes mais n'a pas donné de chiffre.