Les entreprises minières veulent continuer à distribuer des contributions de moins de 100 000 $ dans les communautés sans être obligées de les divulguer publiquement, a déclaré mardi le regroupement qui les représente au Québec.

L'Association minière du Québec (AMQ) a plaidé en commission parlementaire qu'abaisser ce seuil, comme le réclame l'opposition, entraînerait un «fardeau administratif» qui nuirait aux investissements dans l'exploitation du sous-sol québécois.

Jocelin Paradis, vice-président fiscalité de Rio Tinto Canada, a notamment souligné que son entreprise verse des contributions à des centaines de gouvernements dans le monde et qu'une telle contrainte serait trop lourde au Québec.

«Rio Tinto a 850 sociétés dans son groupe, a-t-il dit aux députés qui étudient le projet de loi 55. Essayer de représenter tous les 50 000 $ ou tous les 5000 $ qui sont donnés à tous les gouvernements, on va avoir 80 pages de documentation juste pour les chiffres à donner au lecteur. Ça fait tellement de pages que plus personne ne va s'y retrouver.»

Avec un seuil à 100 000 $, qu'il juge suffisant, M. Paradis, qui faisait partie de la délégation de l'AMQ, estime que le rapport contenant l'information demandée par le projet de loi 55 aurait 12 à 15 pages.

«Si on multiplie trop, l'information devient incompréhensible», a-t-il dit.

Entendue ensuite par les députés, Nicole Kirouac, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, a insisté sur l'importance d'une transparence totale concernant toutes les contributions des entreprises minières.

Mme Kirouac a mis en garde le gouvernement contre les risques que les entreprises achètent l'acceptabilité sociale pour leur projet en distribuant les cadeaux dans les communautés.

«Il y a un effet pervers avec les commandites, parce qu'on bâillonne les gens, a-t-elle dit. Au cours des années j'ai constaté qu'on pouvait acheter l'acceptabilité sociale avec des commandites. De petits clubs sociaux, des clubs de personnes âgées, de toutes les sortes, de basketball, à partir du moment où ils recevaient une subvention de trois, quatre ou cinq mille dollars, dans un milieu qui est déjà peu riche, c'est énorme pour une école ou pour un groupe, les gens n'osent plus critiquer.»

Le député Bernard Drainville, du Parti québécois, a affirmé que le seuil de divulgation devrait être abaissé à 1 $ pour assurer une transparence optimale dans toutes les activités d'exploration et d'extraction minières au Québec.

«Si Rio Tinto verse un 20 000 $ pour un aréna quelque part, les citoyens ont le droit de le savoir, et ils ont le goût de le savoir, a-t-il dit. Et ce n'est pas nécessairement une mauvaise affaire que Rio Tinto le dévoile.»

Dans une entrevue avant l'audition, M. Drainville a souligné que l'article 1 du projet de loi «vise à décourager et à détecter la corruption, ainsi qu'à favoriser l'acceptabilité sociale des projets d'exploration et d'exploitation de ressources naturelles».

«Si tu veux décourager et détecter la corruption, pourquoi tu te limites aux paiements de 100 000 $ et plus, a demandé M. Drainville. Tous les paiements devraient être rendus publics et toutes les entreprises qui font de l'exploration et de l'exploitation minières devraient être obligées de rendre public quelque paiement que ce soit.»

Le directeur des communications de l'AMQ, Mathieu Saint-Amant, a plaidé que le seuil de 100 000 $ pour la déclaration des contributions a été jugé suffisant dans d'autres pays.

«On considère que le Québec doit suivre la tendance mondiale, a-t-il dit. C'est déjà lourd de faire des affaires au Québec, on ne se le cachera pas, il y a beaucoup d'étapes avant d'arriver à un projet. (...) Des petites choses comme ça qui rendent le Québec moins attractif et envoient les investisseurs ailleurs, ça coupe des projets au Québec.»

Le ministre délégué aux Mines, Luc Blanchette, a observé que ce sont surtout les entreprises d'exploration qui seraient pénalisées si le seuil était abaissé dans le projet de loi, qui vise tous les «paiements en espèces ou en nature», qu'il s'agisse de taxes, redevances, primes ou frais.

«Les lourdeurs administratives peuvent faire fuir les investissements, a-t-il dit. Et s'il n'y a pas de travaux d'exploration qui se font, il n'y a pas de mine ensuite. Le 100 000 $ en un seuil qu'on jugeait important.»

La députée caquiste Sylvie Roy a de son côté estimé que les informations sur les entreprises consignent de toute façon les sommes de moins de 100 000 $ qu'elles versent.

«Je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas les publier», a-t-elle dit au représentant de Rio Tinto.

Le projet de loi 55 vise les entreprises des secteurs minier, gazier et pétrolier, à l'exception des entreprises du secteur des pipelines, qui n'est pas de juridiction québécoise.

Les entreprises inscrites à une bourse canadienne dont le siège est au Québec devront automatiquement déclarer annuellement toute contribution de plus de 100 000 $ à un seul bénéficiaire.