En décidant de maintenir son plafond de production à 30 millions de barils par jour (mbj) et de laisser le marché décider des prix du pétrole, l'OPEP abandonne une partie de son influence sur les cours aux États-Unis, mais conserve sa force stratégique.

La décision du cartel de laisser son objectif de production inchangé vendredi n'aura pas le même impact sur les prix que lors de la réunion précédente, il y a six mois.

Les prix avaient alors dégringolé pour finir, en janvier, à leur plus bas niveau en six ans, à 45,19 dollars le baril de Brent, contre autour de 63 dollars actuellement.

«Le cartel perd un peu de son influence au profit du marché pétrolier américain, et dans une moindre mesure au profit de la Russie. Mais il reste une force dominante, juste un peu moins puissante que par le passé», indique Fawad Razaqzada, analyste chez Forex.com.

L'OPEP entend poursuivre sa stratégie en maintenant son plafond et en laissant le marché décider des prix, afin de mettre la pression sur la production hors OPEP.

Une tactique principalement dirigée vers la production de pétrole de schiste américaine, qui, stimulée par des années de prix à 100 dollars le baril, a explosé et atteint 5 mbj.

Mais si le nombre de puits de forage aux États-Unis a baissé de 60 % depuis son pic du mois de septembre dernier, et que la production américaine montre des signes de ralentissement, l'offre non-OPEP est toujours en hausse d'environ 2 mbj par rapport à l'année dernière, explique Richard Mallinson, analyste chez Energy Aspects.

De plus, la production américaine semble plus souple et réactive aux prix que celle de l'OPEP, ce qui pourrait offrir aux États-Unis le nouveau rôle d'équilibrer le marché.

«Les États-Unis semblent avoir la possibilité de contrôler l'offre en augmentant leur production lorsque les prix grimpent ou en la réduisant lorsque les prix baissent, et cela peut facilement influer sur les cours», note Abhishek Deshpande de Natixis.

Mécanisme de rééquilibrage

«Le pétrole de schiste américain va devenir un mécanisme de rééquilibrage du marché dans les prochaines années», a indiqué John Watson, le PDG de la major pétrolière américaine Chevron la veille de la réunion de l'OPEP.

D'autant plus que le cartel dépasse son plafond - l'organisation produit actuellement plus de 31 mbj - ce qui réduit la capacité de production non utilisée que le cartel pourrait débloquer pour rapidement accroître l'approvisionnement des marchés si besoin.

«En ce moment les États-Unis ont une capacité de production non utilisée importante car le pays a foré des puits sans les finir,» indique Thomas Pugh, analyste chez Capital Economics.

Mais, «si l'OPEP ne réduit pas son offre et a une capacité de production non utilisée moindre, alors quelle est sa pertinence?», demande Seth Kleinman de Citi

Ce qui conserve à l'OPEP toute sa force, c'est que le cartel est toujours capable d'influencer les prix stratégiquement, alors que la production américaine, surtout la production de schiste, est dominée par un grand nombre de petites compagnies.

«Le marché américain ne fonctionne pas comme une seule et même entité, il est extrêmement fracturé. Les grandes compagnies nationales pétrolières des pays de l'OPEP ont une meilleure appréhension du marché mondial», souligne Jason Schenker de Prestige Economics.

Les six prochains mois décisifs

Les prochains six mois seront déterminants pour savoir si la stratégie du cartel de continuer à produire pour lester les prix fonctionne vraiment, et ce sans mettre la patience des membres à rude épreuve.

«Cela va être très dur pour le Venezuela, l'Irak, la Libye et le Nigeria car ces pays sont à court d'argent, mais le résultat devrait donner une augmentation des prix,» estime M. Mallinson.

Mais l'OPEP aura à gérer en son sein le retour de l'Iran en cas de levée des sanctions occidentales contre le pays, et la volonté de l'Irak d'accroître sa production à 6 mbj d'ici à 2020, contre autour de 3,5 mbj actuellement.

L'offre dépasse toujours la demande, et si l'OPEP continue de produire à ses niveaux actuels au deuxième semestre le surplus pourrait atteindre 1,3 mbj, selon des estimations de Barclays.