Imaginons un tel scénario chez nous: Hydro-Québec annonce, à une semaine de Noël, qu'elle liquide la moitié de son réseau électrique. Le but: amasser des fonds pour permettre au gouvernement Couillard de réparer les routes du Québec...

Impensable? Peut-être pas. Car c'est ce qui vient de se produire en Australie.

Le «pays d'en dessous» («The land down under», selon l'expression anglophone consacrée) vit actuellement une grande sécheresse économique. Celle-ci n'est pas due au très aride été australien, mais à la chute brutale des prix des métaux et à la baisse de la demande chinoise.

L'économie australienne, troisième d'Asie-Pacifique, ralentit énormément, les déficits publics montent en flèche, et la confiance de la population s'effrite.

Aussi, dans une décision dure à avaler pour beaucoup d'«Aussies», le gouvernement de la province de Nouvelle-Galles du Sud a confirmé jeudi la mise en vente de près de la moitié (49%) de son réseau électrique dans l'espoir de recueillir quelque 20 milliards AU (19 milliards CAN).

L'argent servira à réparer des routes, des voies ferrées et d'autres infrastructures dans la province la plus populeuse de la grande île.

Or, ce qui irrite le plus les détracteurs de cette braderie hors du commun, c'est que l'acheteur probable est un groupe chinois. La State Grid Corporation of China, la plus grande société de services publics du monde, serait sur le point de signer un «gros chèque», selon des médias asiatiques.

Et ce n'est pas fini. Le gouvernement a identifié pour 130 milliards AU d'actifs publics susceptibles d'être liquidés afin de renflouer les coffres de l'État, selon la banque UBS.

Le mois dernier, Canberra a officiellement ouvert les enchères en vendant pour 5,7 milliards AU ses intérêts dans la société Medibank, un assureur de soins de santé.

Les provinces de Nouvelle-Galles du Sud et de Queensland ont pris de l'avance en amassant des milliards, ces derniers mois, avec la vente de ports et d'autoroutes à péage. Le Queensland songe aussi à vendre des actifs du secteur de l'électricité.

Pays riche en ressources naturelles comme le Canada, l'Australie a passé la dernière décennie à surfer sur la vague des ressources naturelles. Des géants comme BHP Billiton et Anglo American ont injecté des milliards dans des projets miniers et gaziers. Durant cette période faste, l'économie s'est améliorée, et les prix de l'immobilier se sont envolés.

Un déficit de 40 milliards

Toutefois, la vague minérale s'est affaissée, et les Australiens pataugent depuis dans les déficits budgétaires.

L'effondrement des cours des métaux - en particulier du fer - a fait mal. La demande de la Chine, qui achète le tiers des exportations australiennes, est en forte baisse, ce qui a fait chuter le prix du minerai de fer d'environ 40% cette année.

Et comble de malheur, voilà que survient la débâcle du marché pétrolier. Celle-ci met en péril de grands projets de terminaux gaziers - totalisant près de 200 milliards AU -, dont l'un de la société américaine Chevron. Dans le secteur en croissance des gaz liquéfiés, l'Australie était pourtant en voie de dépasser le Qatar, au premier rang mondial des exportateurs de GNL.

Avec la diminution des redevances minières, le gouvernement du libéral Tony Abbott vient de confirmer que le déficit budgétaire dépassera de 10 milliards AU ses prédictions du début de 2014, pour atteindre les 40 milliards AU pour l'exercice se terminant en juin.

Ne reste au gouvernement qu'à espérer que la glissade du dollar australien et les bas taux d'intérêt relancent les exportations et l'économie l'an prochain.

Entre-temps, le gouvernement libéral de Nouvelle-Galles du Sud devra se faire réélire, en mars, s'il veut aller de l'avant avec son grand solde des Fêtes.

La vente du réseau électrique (techniquement une location de 99 ans) devrait créer 100 000 emplois et entraîner des retombées de 300 milliards AU, promet-on aux électeurs. Les banques européennes UBS et Deutsche Bank ont été mandatées pour orchestrer une transaction.

Un «grand vent de changement» va donc balayer l'Australie, déclarait un responsable du ministère de l'Énergie la semaine dernière.

Reste à voir si le gouvernement continuera d'investir dans l'énergie éolienne, une aventure qui vire au désastre en Australie. L'été dernier, en pleine canicule australienne, le réseau éolien a échoué - au moins une centaine de fois - à transmettre de l'énergie au réseau... faute de vent.