Exploiter les mines d'or est un travail de forçat. Une simple once nécessite des heures de labeur, des milliers de litres d'eau et du cyanure. À moins de 1200$US, le prix obtenu sur les marchés pour une once ne récompense guère plus l'effort de nombre de producteurs. Et l'on n'est pas encore au fond du trou.

Les titres aurifères se sont dépréciés en moyenne de 7,9%, hier, à la Bourse de Toronto. Ils suivaient en cela la baisse de 10$US, à 1159$US, du prix de l'once d'or sur le marché à terme. Éclipsant en bonne partie le rebond technique de vendredi, le prix de l'or retrouve son plus bas niveau en quatre ans, bien loin des 1900$US obtenus à l'automne de 2011.

Des spécialistes voient l'or passer sous les 1000$US l'an prochain. C'est notamment l'opinion de l'économiste Barnabas Gan, de la firme Oversea-Chinese Banking Corp., l'un des meilleurs prévisionnistes pour les métaux précieux selon l'agence financière Bloomberg. «Mais il y a aussi un risque à la baisse pour cette prévision, commente-t-il. Cela dépend beaucoup de la force de l'économie américaine et de son dollar.»

L'or évolue en sens inverse du dollar américain. Sa chute n'est pas étonnante, alors que le billet vert est à son plus haut niveau en quatre ans à l'encontre de l'euro et à un sommet en sept ans face au yen.

L'analyse technique donne aussi des signaux inquiétants pour l'or. Dennis Mark, de la Financière Banque Nationale, constate que la glissade récente sous les 1180$US brise un seuil de résistance éprouvé à quelques reprises depuis un an. Le plancher suivant est à 1075$US. Plusieurs titres aurifères, comme Goldcorp et Agnico Eagle Mines, testent eux-mêmes des niveaux majeurs de support, note-t-il encore.

Fermetures à venir

À moins de 1100$US l'once, seulement 90% de la production nord-américaine d'or est soutenable, affirme le service de recherche de RBC Marchés des capitaux qui vient de mettre à jour son «stress test» des grandes sociétés aurifères, suivant différents scénarios, d'ici 2017. Plusieurs sont déjà en «mode économie», et des fermetures seront inévitables.

«Des marges de crédit peuvent être retirées ou réduites, et les entreprises avec des niveaux d'endettement élevés pourraient être contraintes de se couvrir, de vendre des actifs ou de lever des capitaux en détresse», écrit RBC.

Des entreprises comme AuRico Gold, Detour Gold, Iamgold, Kinross Gold, Lake Shore Gold, Pan American Silver, Primero Mining, Silver Standard Resources, et Teranga Gold pourraient devoir réduire leurs dépenses ou leur dividende.

Les analystes miniers de la firme torontoise notent que des producteurs d'or avec de lourdes dettes mais des frais d'exploitation bas comme Barrick Gold, Newmont, Yamana Gold et Agnico Eagle peuvent poursuivre leur production et même générer des flux d'encaisse positifs sous les 1100$US.

Leur habileté à aller de l'avant avec de nouveaux développements s'en trouve toutefois compromis. La firme d'évaluation de crédit S&P a d'ailleurs les deux premières à l'oeil.

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La recommandation

Les sociétés canadiennes Goldcorp, New Gold, Eldorado Gold, B2Gold, Alacer Gold, Alamos Gold et Klondex Mines, ainsi que l'américaine Tahoe Resources et la britannique Randgold Resources, paraissent les plus résilientes au bas prix de l'or, selon la plus récente évaluation de RBC Marchés des Capitaux. Celles-ci ont de solides bilans et exploitent ou développent des mines capables de générer des marges bénéficiaires «significatives» même à moins de 1200$US l'once d'or, affirment les analystes miniers. Ces titres ont tout de même perdu de 3 à 10% de leur valeur, avec la débâcle des aurifères hier.