Les portes du marché de New York s'ouvrent en grand pour l'électricité produite par Hydro-Québec, avec le permis présidentiel qui vient d'être accordé au projet de construction de la nouvelle interconnexion Champlain Hudson Power Express.

Avec ce nouveau lien, Hydro-Québec aura un accès direct au marché de la ville de New York, où le prix de l'électricité est le plus élevé des États-Unis.

Champlain Hudson Power Express est un projet piloté depuis 2008 par le promoteur Transmission Developers, maintenant propriété de la banque d'affaires américaine Blackstone. Même s'il fait face à beaucoup d'opposition, il vient de recevoir le feu vert du président des États-Unis, qui doit approuver tout projet énergétique qui traverse une frontière internationale.

Le permis présidentiel confirme l'intérêt public du projet, qui franchit ainsi le dernier obstacle majeur avant sa réalisation. Il doit encore recevoir les permis de l'Army Corps of Engineers, attendus d'ici quelques semaines, avant de passer à la phase de construction. Il s'agit d'un investissement de 2,2 milliards US, un des plus importants de l'histoire de l'État de New York. La mise en service du lien est prévue pour la fin de 2018.

À Ottawa, le gouvernement Harper s'est félicité de l'octroi du permis présidentiel, rappelant au passage que l'ambassadeur du Canada à Washington, Gary Doer, avait reçu le mandat de faire progresser ce dossier auprès de l'administration américaine.

«Le gouvernement se soucie de l'économie de toutes les régions du pays. Voilà un exemple concret du gouvernement Harper qui fait la promotion - et avec succès - de l'hydroélectricité du Québec à l'étranger dans le but d'aider son économie», a affirmé à La Presse une source conservatrice bien au fait du dossier.

Le gouvernement Harper exerce aussi des pressions sur l'administration Obama pour que le parc de production d'électricité d'Hydro-Québec soit considéré par le Congrès américain comme une énergie renouvelable au même titre que l'énergie éolienne ou solaire.

Dans une entrevue accordée à La Presse en octobre 2013, M. Doer, un ancien premier ministre néo-démocrate du Manitoba, avait d'ailleurs indiqué que les projets d'exportation d'électricité du Québec vers certains États américains faisaient partie des dossiers qu'il défendait dans la capitale américaine.

Il tenait ainsi à corriger la perception que le gouvernement canadien mettait tous ses oeufs dans le projet de construction de l'oléoduc Keystone XL. Ce projet controversé, qui permettrait d'acheminer le pétrole issu des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'aux raffineries du Texas, n'a toujours pas été approuvé par le président Barack Obama, malgré les fortes pressions du gouvernement Harper.

Un marché de choix

Hydro-Québec, dont les surplus continuent de s'accumuler, exporte déjà le maximum d'électricité que lui permettent les interconnexions existantes vers les États-Unis. Avec Champlain Hudson Power Express, ce sont 1000 mégawatts de plus qui pourront être acheminés directement dans le Queens, à New York.

Le tarif d'électricité payé par les New-Yorkais, à 30,74 cents le kilowattheure, est le plus élevé aux États-Unis. Même si Hydro ne vendra pas son énergie directement aux consommateurs new-yorkais, mais à des grossistes, à un prix inférieur, le nouveau lien devrait lui permettre d'encaisser de meilleurs revenus pour ses surplus.

Le promoteur du projet, pour sa part, fait miroiter des économies de 650 millions par an sur la facture totale des consommateurs de New York.

Pour relier son réseau à Champlain Hudson Power Express, Hydro-Québec devra construire un lien de 50 kilomètres entre le poste Hertel, à La Prairie, et la frontière américaine, le long de l'autoroute 15 Sud. Les deux réseaux se rejoindront là où la route 223 au Québec devient la route 11 dans l'État de New York, selon le tracé retenu par Hydro-Québec.

Il est prévu que 75% de la capacité de transport soit réservé à Hydro-Québec et que le reste soit offert aux enchères à d'autres producteurs.

La ligne de transport d'électricité Champlain Hudson Power Express sera entièrement enterrée, sous le lit du lac Champlain, sous les terres qu'elle traversera et sous le fleuve Hudson.

Le même promoteur pilote un autre projet de ligne de transport d'électricité qui passerait sous le lac Champlain et à travers l'État du Vermont, pour rejoindre le réseau de la Nouvelle-Angleterre.

Northern Pass, un troisième projet d'interconnexion qui acheminerait l'électricité du Québec au New Hampshire, fait encore face à beaucoup d'opposition et chemine lentement. Northern Pass prévoit construire une ligne majoritairement aérienne plutôt que souterraine, jugée trop coûteuse par son promoteur Northeast Utilities.

Tous ces projets visent à acheminer plus d'énergie vers les marchés en croissance de la Nouvelle-Angleterre. Le gaz naturel tente aussi de s'y frayer de nouveaux chemins à coups d'investissements importants, parce qu'en dépit de l'abondance de gaz aux États-Unis, la partie nord-est du pays est mal desservie par les gazoducs.

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PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ DANS LES MARCHÉS VOISINS*

Toronto: 13,78 cents/kWh

Boston: 20,42 cents/kWh

New York: 30,74 cents/kWh

*en dollars canadiens

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LE PROJET CHAMPLAIN HUDSON POWER EXPRESS

Capacité: 1000 mégawatts

Longueur: 536 kilomètres

Coût estimé: 2,2 milliards US

Mise en service: 2018

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LES AUTRES PROJETS À L'ÉTUDE

New England Power Link

Capacité: 1000 mégawatts

Longueur: 242 km, dont 160 km sous le lac Champlain

Coût estimé: 1,2 milliard US

Mise en service: 2019

Northern Pass

Capacité: 1200 mégawatts

Longueur: 300 km

Coût estimé: 1,4 milliard US