Le Fonds monétaire international (FMI) estime que le Canada et d'autres pays pourraient améliorer leur situation économique et la qualité de leur environnement en augmentant les taxes énergétiques, tout en diminuant les impôts des particuliers et des entreprises.

Dans un nouveau document intitulé Getting Energy Prices Right: From Principle to Practice, le FMI se range derrière des politiques défendues à différentes occasions au Canada par les libéraux et les néo-démocrates fédéraux: la mise en oeuvre d'un «virage vert» en matière de fiscalité.

Le gouvernement conservateur, de son côté, écarte catégoriquement l'idée d'imposer une taxe sur le carbone.

Le FMI part de la prémisse voulant qu'au cours du siècle dernier, l'énergie basée sur le carbone, certes indispensable à la croissance économique, a tout de même engendré des coûts considérables.

La solution, d'après le FMI, est d'imposer des taxes énergétiques à un niveau permettant d'engranger des revenus suffisants pour compenser les «retombées nocives de la consommation d'énergie sur la santé et l'environnement».

L'organisme a tenté de calculer dans 156 pays les coûts de l'utilisation d'énergie basée sur les hydrocarbures - charbon, essence, diesel et gaz naturel -, et de mettre de l'avant des taux de taxation précis que chaque pays pourrait implanter afin de compenser les dommages causés à l'environnement.

«Les résultats confirment que plusieurs pays - avancés, émergents et en développement - n'en sont qu'au camp de base en ce qui a trait à atteindre le juste prix énergétique», a fait valoir la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, dans un avant-propos au livre de 199 pages.

Pour le Canada, un prix énergétique approprié pourrait représenter un bouleversement de l'écosystème des consommateurs et de l'industrie. Par exemple, le FMI indique que l'essence devrait être taxée à environ 55 cents US le litre plutôt qu'au taux actuel de 36 cents, et le diesel à environ 64 cents US le litre, comparativement à 42 cents présentement.

Le FMI utilise des données en dollars américains, ce qui fait que les données en dollars canadiens ne sont pas précises, mais le portrait général serait une augmentation d'environ 52 pour cent des taxes - tant pour l'essence que le diesel.

De plus, le FMI soutient qu'il devrait y avoir une taxe de 4,90 $ US (environ 5,34 $ CAN) par gigajoule sur le charbon, alors qu'il n'y en a aucune actuellement, et que le gaz naturel devrait être taxé à 2,20 $ US (2,39 $ CAN) par gigajoule, à la place de la faible taxe en vigueur présentement.

En entrevue, le coauteur de l'étude, Ian Parry, a convenu que de telles propositions avaient été mal accueillies par les électeurs auparavant, mais a estimé que l'astuce était d'insister sur le fait que d'autres formes d'imposition, particulièrement l'impôt sur le revenu, seraient réduites dans des proportions similaires.

«Il n'est pas question d'augmenter le fardeau fiscal global; nous parlons d'une manière plus intelligente et plus efficace d'utiliser la taxation pour combler les objectifs fiscaux d'un pays», a-t-il expliqué.

M. Parry suggère aussi que les taxes sur le carbone soient mises en vigueur par étapes, afin de réduire les bouleversements de l'économie.

Le FMI évalue que l'imposition graduelle de taxes sur le carbone au niveau suggéré ferait augmenter le produit intérieur brut du Canada de 1,4 pour cent, réduirait les émissions de carbone de 15 % et diminuerait de 25 % les décès reliés à la pollution de l'air, principalement par la réduction de l'usage du charbon.

L'organisme prévient que ces chiffres ne sont que des évaluations, basées sur des hypothèses pouvant être contestées, mais que le message global reste pertinent: «la taxation peut influencer les comportements. De la même manière que les taxes sur les cigarettes découragent leur consommation, des taxes appropriées peuvent décourager l'utilisation abusive de produits énergétiques néfastes pour l'environnement», écrivent les auteurs.

Dans une réponse par courriel, le ministre fédéral des Finances, Joe Oliver, a affirmé jeudi que le gouvernement rejetait les recommandations. «Nous n'imposerons pas une augmentation de 52 % des taxes sur l'essence et le diesel, qui serait néfaste pour les consommateurs et les entreprises, a-t-il fait valoir.

«Les prix énergétiques élevés représentent déjà un désavantage important à la compétitivité pour l'industrie européenne et entraînent un flux des capitaux et des affaires vers les États-Unis. Notre objectif est de réduire les taxes pour les familles et les employeurs canadiens, pas de les relever.»