L'Office national de l'énergie a donné son feu vert à l'inversion du pipeline 9 d'Enbridge vers Montréal, jeudi.

L'organisme réglementaire a publié une décision de près de 200 pages en toute fin de journée pour confirmer sa décision. Enbridge peut donc inverser le flux de son oléoduc de 639 kilomètres entre North Westover et Montréal, qui coule actuellement d'Est en Ouest. La compagnie pourra aussi hausser la capacité de la conduite de 240 000 barils par jour à 300 000.

Le projet permettra d'acheminer du pétrole dérivé des sables bitumineux vers les raffineries de Montréal et de Lévis. Enbridge a cependant précisé qu'elle compte surtout transporter du brut léger.

« L'approbation de ce projet n'est pas pour nous la fin du processus, a affirmé dans un communiqué le grand patron d'Enbridge, Al Monaco. Nous attendons avec intérêt de poursuivre nos efforts pour bâtir un climat de confiance dans ces communautés et de poursuivre la discussion sur comment rendre un pipeline déjà sécuritaire et performant encore plus sûr. »

L'ONÉ conclut que le projet est « dans l'intérêt public ». Il impose certaines conditions à Enbridge avant d'aller de l'avant. Il exige notamment des renseignements sur ses processus d'intervention en cas d'urgence.

« Les conditions que l'Office a rattachées à l'approbation de la demande d'Enbridge renforceront les mesures actuelles et futures liées à l'intégrité et à la sécurité du pipeline ainsi qu'à la protection de l'environnement auxquelles la canalisation 9 est déjà soumise », peut-on lire dans la décision.

Le milieu des affaires au Québec s'est montré très favorable au projet, qui devrait permettre de maintenir des emplois dans les deux raffineries de la province. L'arrivée de pétrole canadien - moins cher que celui qui se transige sur les marchés internationaux - donnera un coup de pouce au secteur pétrochimique.

Mais, au cours des audiences tenues à Montréal et à Toronto, l'automne dernier, plusieurs intervenants craignaient qu'une fuite mette en péril des sources d'eau potable. La conduite traverse 200 terres agricoles et passe près de plusieurs villes du Grand Montréal.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, et son confrère de Terrebonne, Jean-Marc Robitaille, ont notamment exigé qu'Enbridge fournisse un fonds de prévoyance d'un milliard pour faire face à une fuite. Ils ont rappelé que l'entreprise a été impliquée dans le déversement de millions de litres de bitume dans la rivière Kalamazoo, au Michigan en 2010.

L'ONÉ a ignoré les exigences des maires. 

Réforme controversée

Les audiences publiques organisées dans le cadre de ce projet étaient par ailleurs le premier test d'une réforme controversée adoptée il y a deux ans par le gouvernement Harper afin d'accélérer l'approbation des grands projets.

Seules les personnes ayant un « intérêt direct » dans le projet ont pu participer aux audiences publiques. Sur 177 personnes ayant demandé à être entendues, huit ont été exclues pour ce motif.

Par ailleurs, l'ONÉ a choisi de ne pas considérer l'impact de l'exploitation des sables bitumineux dans son évaluation environnementale du projet, ce qui fait dire à plusieurs écologistes que son analyse du projet est pipée en faveur d'Enbridge.

« Cette décision n'est pas surprenante considérant que le fédéral et l'industrie pétrolière ont réécrit les lois environnementales pour approuver plus rapidement les projets de pipelines de sables bitumineux, a dénoncé le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin. Ces modifications drastiques occultent la question des changements climatiques et empêchent des milliers de Canadiens de se faire entendre sur ces projets qui auront des impacts importants sur leur qualité de vie, leur air, leur eau et leur santé. »

En 2012, Enbridge avait obtenu l'autorisation d'inverser le flux sur la section de l'oléoduc qui s'étendait entre Sarnia et North Westover.

Illustration fournie par Enbridge

Plan du projet d'inversion de la canalisation 9B et d'accroissement de la capacité de la canalisation 9.