Au sommet nord-américain mercredi au Mexique avec les présidents américain Barack Obama, et mexicain Enrique Peña Nieto, le premier ministre Stephen Harper aura en tête le projet Keystone, l'oléoduc qui exporterait le pétrole canadien vers les raffineries américaines avec des rentrées de devises de son puissant voisin et principal partenaire commercial.

Officiellement, l'agenda de ce sommet de Toluca, à 60 kilomètres à l'ouest de Mexico, porte sur la compétitivité des trois pays du sous-continent mais chacun des responsables a des doléances diverses vis-à-vis des deux autres. Si Barack Obama veut pousser pour un accord commercial trans-pacifique, le président mexicain veut obtenir du Canada la suppression de l'obligation de visa pour ses ressortissants. De son côté, Stephen Harper cherche à obtenir d'Obama le feu vert à la construction très controversée d'une extension de l'oléoduc Keystone devant servir à acheminer du pétrole depuis la province d'Alberta, dans l'ouest canadien, vers les raffineries américaines du golfe du Mexique, au Texas.

Stephen Harper, «en vain, va être tenté de mettre un peu de pression» sur le président américain «puisque c'est une approche stratégique régulièrement employée» par les Canadiens sur ce dossier, a estimé Pierre-Olivier Pineau, professeur de gestion du secteur de l'énergie à l'école HEC Montréal.

Harper a ouvertement critiqué le report de la décision américaine sur Keystone sous la pression des mouvements écologistes qui dénoncent un transport du pétrole issu de sables bitumineux, dont l'extraction engendre de plus fortes émissions de gaz à effet de serre que les pétroles traditionnels. Le Canada «ne prendra pas un non comme une réponse» avait déclaré fin septembre le chef du gouvernement canadien.

Mais pour le Canada, les États-Unis sont le principal marché pour écouler son pétrole. De leur côté, les États-Unis augmentent leur production et le pétrole canadien, de moins bonne qualité, devient moins attractif.

Le Canada met dans la balance son ambition de sortir son pétrole sur la côte ouest pour les marchés asiatiques, dont la Chine, via un projet d'oléoduc, le Northern Gateway entre l'Alberta et les côtes de Colombie-Britannique. Pour les Américains, ce serait un véritable camouflet du principal allié de leur diplomatie.

Pour Jim Prentice --conservateur souvent présenté comme concurrent à la succession de Stephen Harper et ancien ministre de l'industrie canadien--, le Canada ferait bien d'anticiper déjà la prochaine administration américaine tout en étant un «partenaire énergique» avec d'autres débouchés pour ne pas être dépendants d'un marché américain déjà sur-alimenté» en pétrole.

Une stratégie pas forcément payante, selon Pierre-Olivier Pineau car «les dynamiques de politiques internes aux États-Unis seraient toujours présentes», avec les environnementalistes. Ces derniers ont beau jeu de dénoncer l'immobilisme canadien en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

«Il est impossible pour l'industrie de dire qu'elle se conforme à une réglementation sur le changement climatique (...) parce que le gouvernement fédéral n'a même pas mis en place de règlements sur l'industrie» pourtant promis, a rappelé M. Pineau.

Pour autant, a-t-il ajouté, Keystone ne devrait pas ternir les relations entre les deux partenaires car si «ce dossier est difficile, la difficulté n'émane pas d'un froid entre les deux gouvernements mais simplement d'un problème sur lequel les deux pays tardent à agir, celui des changements climatiques».