Alors que le Canada fait tout ce qu'il peut pour augmenter ses exportations de pétrole, il est intéressant de rappeler qu'aux États-Unis, il est toujours interdit d'exporter le brut extrait du territoire américain.

Les États-Unis sont en voie de ravir à l'Arabie saoudite le titre de premier producteur mondial de pétrole. Ça devrait arriver en 2017, selon l'Agence internationale de l'énergie, ce qui rend cet interdit de plus en plus incongru. Il commence d'ailleurs à être remis en question autant par l'industrie que par des élus.

«On a du pétrole en quantité, pourquoi ne pas l'exporter pour créer des emplois et faire croître l'économie?», a lancé récemment le président de l'American Petroleum Institute. Même le secrétaire à l'Énergie du gouvernement Obama, Ernest Moniz, estime qu'il est temps de revoir cette politique maintenant que le contexte a changé.

Changer une politique énergétique n'est pas si simple que ça. L'interdiction de l'exportation du pétrole américain remonte à la crise pétrolière au début des années 70, quand les pays arabes exportateurs de pétrole ont imposé un embargo aux pays amis de l'État d'Israël.

Sécurité d'approvisionnement

Le choc qui a suivi a semé la panique chez les Américains. Le prix du pétrole a quadruplé, passant de 3$US à 12$US le baril, et des pénuries d'essence sont temporairement apparues. Le gouvernement a réagi en se dotant de réserves stratégiques de pétrole et en interdisant l'exportation de ce qui portait désormais le nom d'or noir.

La sécurité d'approvisionnement en pétrole a guidé pendant des décennies la politique étrangère des États-Unis. Quarante années se sont écoulées, et les Américains produisent aujourd'hui plus de pétrole que jamais, mais les mesures défensives sont toujours en place.

Les exportations de pétrole brut sont toujours strictement contrôlées, y compris les ventes aux pays «amis». Le raffineur américain Valero, par exemple, doit obtenir l'autorisation du gouvernement des États-Unis pour approvisionner sa raffinerie de Lévis, au Québec, en brut extrait du sol du Dakota-du-Nord.

L'exportation des produits raffinés, comme l'essence, le diesel et autres dérivés, n'est pas visée par l'interdiction. Les exportations de ce type sont en forte augmentation, étant donné la hausse de production de pétrole brut.

Les Américains consomment aussi de moins en moins de pétrole importé, ce qui commence à avoir un effet positif sur la balance commerciale du pays. Le déficit commercial des États-Unis a diminué de 13% pour le seul mois de novembre, selon les plus récentes statistiques publiées la semaine dernière.

L'augmentation de la production américaine de pétrole n'est pas tellement une bonne nouvelle pour les producteurs canadiens de pétrole bitumineux, qui risquent de voir leur principal marché se réduire comme peau de chagrin.

La levée de l'interdiction des exportations de brut donnerait un coup de fouet à l'économie américaine, soulignent ceux qui sont en faveur.

Mais le choc pétrolier a laissé des traces profondes chez les Américains. Beaucoup d'entre eux estiment que l'interdit doit rester pour conserver l'indépendance énergétique que le pays peut maintenant envisager à court terme.

D'autres s'y opposent parce que le prix du pétrole américain, le WTI, pourrait augmenter et rejoindre le prix international (Brent) si les exportations sont autorisées. Le résultat serait une hausse des prix de l'essence à la pompe, ce qui se classe très haut parmi les calamités craintes par les Américains.

D'autres encore craignent que l'augmentation de la production de pétrole aux États-Unis qui suivrait la levée de l'interdit d'exportation ait des effets catastrophiques sur l'environnement.

Le débat ne fait que commencer et il pourrait durer quelque temps.