L'entreprise québécoise qui a le plus bénéficié de l'essor de l'énergie éolienne au Québec pour développer un savoir-faire industriel de premier plan veut reproduire ce plan d'affaires lucratif au sud de la frontière.

Plus précisément dans la vaste région des Prairies américaines en y implantant une usine de tours d'acier pour les éoliennes de grande puissance.

«C'est là que ça se passe, désormais, dans le marche de l'éolien en Amérique du Nord», déclare en entrevue Patrick Pellerin, président de Marmen, une grande entreprise d'usinage et d'assemblage métallurgique de précision établie à Trois-Rivières.

En fait, Marmen réalise ces temps-ci avec une nouvelle usine au Dakota-du-Sud, près de la ville de Sioux Falls, un projet d'expansion dans l'Ouest qu'elle convoite depuis quelques années. Mais c'était avant la crise financière et la dure récession de 2008 aux États-Unis.

Malgré cette pause imposée, les dirigeants familiaux de Marmen, menés par Patrick Pellerin, fils du fondateur, ont continué de vouloir diversifier le marché d'une activité encore porteuse au Québec - la fabrication de hautes tours d'acier pour éoliennes -, mais dont les perspectives à long terme s'annoncent en baisse.

En plus de son usine principale à Trois-Rivières, où elle a été fondée en 1972, Marmen s'était dotée en 2005 d'une usine à Matane consacrée spécifiquement à la fabrication de tours d'éoliennes.

Cette implantation industrielle en Gaspésie, rappelle Patrick Pellerin, était aussi une condition posée à l'époque par le gouvernement du Québec aux principaux fournisseurs d'équipements à son projet de quelque 3000 mégawatts de production d'électricité de source éolienne, allongé sur une décennie.

«Nous avons une belle usine à Matane avec de très bons travailleurs. Mais quand le gouvernement cessera de développer l'éolien au Québec, c'est certain que ce serait plus compliqué pour nous de desservir le marché des éoliennes hors du Québec, dans l'Ouest notamment», explique M. Pellerin.

«C'est strictement une question d'éloignement du prochain marché pour nous dans l'éolien, parce que les grandes sections de tours qui sortent de nos usines sont beaucoup trop coûteuses à transporter sur de telles distances.»

Cela dit, le président de Marmen croit encore au potentiel d'affaires à long terme de l'usine de Matane, même dans l'après-éolien, parce qu'elle pourra continuer de fonctionner en complément de ses usines principales de Trois-Rivières, sur d'autres types de contrats d'usinage de précision.

Vents d'Ouest

Dans l'énergie éolienne, toutefois, les prochains débouchés de Marmen se déplaceront inévitablement vers l'Ouest, dans la vaste région des Prairies.

Les projets en développement se comptent déjà en milliers d'éoliennes pour l'avenir prévisible, afin de profiter des vents considérés parmi les meilleurs au monde pour la production d'électricité de façon plus constante.

Au Dakota-du-Sud, l'acquisition et le réaménagement «beaucoup plus efficace» d'une usine délaissée par un concurrent en difficultés représente un investissement de «plusieurs millions de dollars», indique Patrick Pellerin.

Il se garde d'en dire plus, tenant à la discrétion «sur les chiffres» de l'entreprise sous la propriété entière de la famille Pellerin.

La production vient de débuter dans la nouvelle usine avant même que l'installation de tous les équipements d'usinage et la finition extérieure de la bâtisse soient terminées. L'embauche de personnel bat aussi son plein, vers la cible des 200 employés prévus d'ici un an.

Selon Patrick Pellerin, cet empressement à lancer l'usine au Dakota correspond à la forte demande à laquelle doit déjà répondre Marmen parmi les promoteurs de parcs éoliens dans les Prairies.

Le volume de production de tours d'éoliennes devrait rapidement éclipser celui de son usine de Matane. Le plan d'affaires à moyen terme pour cette filiale américaine «Marmen Energy» mise sur la fabrication d'environ 400 tours d'éoliennes par an.

«Ça correspond à l'installation d'environ 800 mégawatts d'origine éolienne. Pour nous autres tout seuls, au Dakota, ce serait l'équivalent en une seule année de tout le programme en vigueur au Québec», selon Patrick Pellerin.

Concurrence

Quant à la concurrence qui l'attend dans les Prairies?

«Si nous réussissons à reproduire au Dakota les normes de qualité et de performance que nous avons dans nos usines au Québec, nous serons dans une classe à part, loin devant toute la concurrence», répond le président de Marmen d'un ton assuré.

En effet, pendant que se concrétise son projet industriel pour l'éolien dans l'Ouest américain, Marmen bénéficie d'un carnet de commandes bien garni dans ses autres marchés d'usinage de précision. En particulier chez les producteurs de pétrole et de gaz, une industrie en plein boom en Amérique du Nord, sur le continent et en zones côtières.

Pour demeurer compétitive dans ces marchés, Marmen vient d'investir une trentaine de millions de dollars en ajout d'équipement et en agrandissement à son complexe industriel de Trois-Rivières.

Ces investissements ont d'ailleurs été financés en partie par un prêt à conditions préférentielles de 5 millions de dollars provenant du Fonds de diversification économique de Bécancour.

Il s'agit du fonds spécial de 250 millions établi par le gouvernement québécois afin de compenser l'impact de la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly.

MARMEN EN BREF

Activités : usinage de précision et pré-assemblage de pièces métalliques pour la production d'énergie (éoliennes, pétrole/gaz, centrales thermiques) et l'industrie lourde

Siège social : Trois-Rivières

Employés : environ 1100 dans 4 usines à Trois-Rivières (2), à Matane et au Dakota-du-Sud. Effectif prévu à 1300 d'ici un an.

Actionnariat : le fondateur Fernand Pellerin et sa famille

Date de fondation : 1972