Le projet de relance de l'ancienne usine de Domtar à Lebel-sur-Quévillon par Fortress Paper vient de tomber à l'eau en raison de la taxe imposée par la Chine sur la pâte dissolvante, un des produits qui devaient assurer la survie de l'industrie au Québec.

La Chine impose une taxe de 13% sur les importations de pâte dissolvante des usines existantes. Le taux de la taxe passera à 49% pour les nouveaux arrivants dans ce marché, dont fera probablement partie l'usine de Lebel-sur-Quévillon.

Ce n'est pas encore clair si le taux le plus élevé s'applique aux nouveaux producteurs seulement ou aux nouvelles usines, a expliqué hier Yvon Pelletier, président et chef de la division de pâte à dissoudre de Fortress Paper.

«On essaie de comprendre. On travaille à faire baisser le niveau de taxe. Si on n'est pas capables, le projet de Lebel-sur-Quévillon ne se fera pas», a-t-il dit au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Fortress Paper était à finaliser le financement de son investissement de 300 millions à Lebel-sur-Quévillon lorsque la taxe chinoise est arrivée. «On était en discussion avec des partenaires et là, on est obligés de prendre du recul», a dit M. Pelletier.

La pâte dissolvante est un des produits considérés comme l'avenir des entreprises québécoises de pâtes et papiers, durement touchées par le déclin de leur principal marché, celui du papier. Fortress a misé gros sur ce type de pâte utilisée dans l'industrie du textile. Elle a converti une première usine à Thurso, près de Gatineau, qui peut en fabriquer 200 000 tonnes par année.

L'entreprise voulait faire la même chose avec l'usine de Domtar, fermée depuis 2008 à Lebel-sur-Quévillon. L'usine devait produire 220 000 tonnes de pâte dissolvante. Le projet, annoncé en grande pompe par le premier ministre Jean Charest en janvier 2012, aurait dû démarrer cette année et redonner de l'emploi à 300 des 700 anciens travailleurs de Domtar.

Le gouvernement québécois avait contribué financièrement au projet, avec un prêt de 132,4 millions. Le Fonds de solidarité FTQ a, de son côté, investi 25 millions dans le projet.

L'Asie est le principal débouché pour la pâte dissolvante de Fortress. Surtout la Chine, précise Yvon Pelletier. «C'est là où la croissance est la plus élevée. On parle d'un marché qui croit de 5 à 7% annuellement.»

Fortress a mis sur pied un plan B pour son usine de Thurso, qui peut encore fabriquer de la pâte traditionnelle. «On s'est donné la flexibilité d'y retourner au besoin», dit le dirigeant.

La taxe imposée par la Chine le 6 novembre dernier est une taxe préliminaire. Elle doit devenir permanente en février. Dans l'intervalle, les entreprises touchées peuvent faire valoir leurs arguments. Elles pourraient aussi faire appel à l'Organisation mondiale du commerce, mais les procédures pourraient prendre des années.

La partie est difficile, reconnaît Yvon Pelletier. «On est une petite souris qui se bat contre le géant chinois», dit-il.

Fortress pourrait vivre avec une taxe moins élevée. «Si on descend entre 0 et 5%, c'est gérable», a indiqué Yvon Pelletier, au moins pour l'usine existante à Thurso.

Pour Lebel-sur-Quévillon, ça pourrait s'arrêter là. Le projet est en retard sur son échéancier, et Fortress, qui a déjà dépensé 25 millions dans le projet de relance, a mis fin à son entente avec Hydro-Québec, qui devait acheter l'électricité produite par la future usine.

L'action de l'entreprise de Vancouver accuse le coup. Depuis un mois, le titre a reculé de 10%. Hier, il a perdu 6 cents à la Bourse de Toronto, à 5,04$.

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L'industrie réclame une baisse des tarifs d'électricité

Après les alumineries, c'est au tour des entreprises forestières de demander au gouvernement une réduction de leurs tarifs d'électricité pour les aider à se moderniser et à être plus concurrentielles. Les dirigeants de Tembec, Résolu, Maibec, Tafisa, Uniboard et Fortress Paper ont profité de la tenue du Rendez-vous de la forêt convoqué cette semaine par le gouvernement pour dénoncer la hausse du prix du bois découlant du nouveau régime forestier. «Le coût de nos approvisionnements a augmenté de 25% depuis deux ans, a dit le président de Tembec, Jim Lopez, en conférence de presse. Comment une industrie peut-elle survivre à ça?» M. Lopez a répété que son entreprise investirait désormais en Ontario, où le coût du bois est moins élevé qu'au Québec.