Bien que l'industrie des sables bitumineux apporte d'«importantes retombées économiques à court terme», elle provoque aussi une «fièvre» qui nuit à la compétitivité d'autres industries.

C'est ce que conclut une étude de l'Institut Pembina et d'Équiterre.

Les auteurs passent en revue des dizaines d'autres études qui se sont penchées ces dernières années sur l'impact de l'industrie des sables bitumineux sur l'économie canadienne.

Toutes les statistiques montrent que l'expansion du secteur énergétique coïncide avec l'effondrement du secteur manufacturier canadien, concentré en Ontario et au Québec.

Ce dernier a perdu 550 000 emplois entre 2004 et 2010. Le Québec est particulièrement touché: entre 2000 et 2012, la valeur de la production manufacturière est passée de 58 à 43 milliards.

Depuis plusieurs années, les économistes se demandent si cela résulte de la hausse du cours du dollar canadien, qui nuit aux exportations canadiennes.

Il semble clair que le cours du dollar canadien est dorénavant lié au prix des ressources naturelles, selon plusieurs sources officielles, dont le FMI et la Banque du Canada.

«De récentes études estiment que la hausse du prix du pétrole expliquerait entre 40% et 75% de l'appréciation du dollar canadien ces dernières années», conclut-on.

Une devise forte comporte des avantages même pour les manufacturiers, qui peuvent en profiter pour acheter de l'équipement ou des matières premières étrangères à meilleur prix, afin d'augmenter leur productivité et leur marge. 

Mais selon les auteurs, les statistiques montrent que les entreprises canadiennes n'ont pas saisi cette occasion. Le bilan du Canada dans le domaine de la productivité est jugé «lamentable» par le Conference Board.

Selon une des études citées dans le rapport, les entreprises manufacturières se sont ajustées en... diminuant leurs exportations. Cela «peut difficilement être perçu comme un ajustement réussi», note-t-on.

Autre stratégie pas nécessairement gagnante : l'achat de matières premières à l'étranger. «Si les fabricants se tournent vers des intrants importés, la demande pour des produits similaires fabriqués ici diminuera», souligne-t-on.

Les statistiques montrent aussi que les bénéfices des sables bitumineux sont fortement concentrés en Alberta, tant du point de vue des emplois que du PIB. Entre 74% et 86% des emplois du secteur sont créés en Alberta.

Le reste du Canada arrive même derrière les États-Unis pour ce qui est des retombées positives, comme l'achat d'équipement ou de logiciels de production. 

Est-ce à dire que le Canada a attrapé le «mal hollandais»? Les auteurs ne vont pas jusque là. Ce mal a frappé les Pays-Bas dans les années 1970 après la mise en exploitation d'importants gisements gaziers. Le secteur manufacturier hollandais ne s'en est jamais remis.

Néanmoins, le Canada souffrirait d'une «fièvre des sables bitumineux» dont il faudrait tenir compte dans les décisions et stratégies économiques, conclut-on.