Le géant pétrolier russe Rosneft a poursuivi vendredi son offensive tous azimuts dans le secteur gazier, annonçant des acquisitions pour 1,4 milliard de dollars et le lancement d'études pour construire une usine de liquéfaction de gaz en Extrême-Orient.

Devenu en mars le plus gros producteur d'or noir coté en Bourse dans le monde après avoir racheté son concurrent TNK-BP, le groupe s'est désormais fixé pour objectif stratégique de s'implanter fermement dans le domaine du gaz, actuellement dominé par son compatriote Gazprom, un autre mastodonte.

Il a signé vendredi à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, un accord pour racheter pour 1,38 milliard de dollars quatre sociétés appartenant au producteur de diamants russe Alrosa et qui détiennent des licences d'exploitation de gisements gaziers dans la région autonome des Nenets (Sibérie occidentale) et dans la république de Sakha (Sibérie orientale).

Ces acquisitions permettront d'accroître les réserves de Rosneft «de plus de 200 milliards de mètres cubes de gaz», s'est félicité la compagnie dans un communiqué, soulignant, par la voix de son patron Igor Setchine, que le développement du secteur gazier était désormais une priorité pour le groupe.

Mardi, Rosneft avait déjà signé avec l'italien Enel un accord pour l'acquisition pour 1,8 milliard de dollars de la part de ce dernier dans la société gazière SeverEnergia, active dans le Grand Nord russe.

Le lendemain, le russe concluait avec le même Enel un contrat à long-terme pour approvisionner en gaz son producteur d'électricité en Russie, Enel OGK-5.

Ne s'arrêtant pas là, Rosneft a aussi annoncé vendredi le lancement d'études avec l'américain ExxonMobil en vue de construire une usine de liquéfaction de gaz en Extrême-Orient russe.

Les deux groupes, liés par un accord de partenariat stratégique depuis août 2011, ont sélectionné deux sous-traitants, CB&I et Foster Wheeler Energy, pour mener ces études en amont.

Rivalité avec Gazprom

À terme, l'usine, si elle est construite, sera approvisionnée en gaz produit en Extrême-Orient, et notamment sur l'île de Sakhaline, et aura une capacité initiale d'environ cinq millions de tonnes par an de gaz naturel liquéfié. Ce gaz a pour vocation d'être vendu essentiellement dans les pays de la zone Asie-Pacifique, de plus en plus friands en énergie.

Ce projet est vu d'un mauvais oeil par Gazprom, qui voit vaciller le monopole qu'il détient pour l'heure sur les exportations de gaz.

Mercredi, un responsable de Gazprom a déconseillé à son compatriote de construire une telle usine à Sakhaline, arguant que des usines avaient déjà été construites et qu'il n'y aurait pas assez de gaz pour en alimenter une troisième.

Rosneft a aussitôt opposé une fin de non-recevoir, soulignant que ces avertissements prouvaient que le groupe se dirigeait «dans la bonne direction» et qu'il constituait une menace pour ses concurrents.

Ce projet, impensable il y a quelques années, pourrait voir le jour, le président russe Vladimir Poutine s'étant dit cette année prêt à assouplir les règles sur les exportations de gaz naturel liquéfié, ne les réservant plus uniquement à Gazprom.

Un projet de loi en ce sens est en train d'être examiné par le gouvernement, a d'ailleurs indiqué vendredi le ministre de l'Energie Alexandre Novak, qui a dit espérer que le texte entrerait en vigueur dès le 1er janvier 2014.

Pour Rosneft, toutes ces avancées s'inscrivent dans une stratégie visant à en faire un poids lourd sur la scène mondiale, souligne Valeri Nesterov, analyste chez Sberbank Investment Research.

«Le gaz occupe une place importante dans le portefeuille des autres acteurs pétroliers mondiaux. Chez Shell cela représente 50 %, tandis que pour Rosneft seulement moins de 10 %», explique-t-il.

Or, le gaz offre certaines garanties pour les majors. «Les prix du pétrole sont volatils, alors que ceux du gaz sont fixés à long terme et cela représente une sorte de matelas de sécurité», ajoute-t-il.