L'économie canadienne perd pas moins de 50 millions de dollars par jour - soit l'équivalent de 18 milliards de dollars par année - parce que les entreprises travaillant dans le secteur du pétrole et du gaz naturel sont incapables de vendre leurs produits sur les nouveaux marchés étrangers.

Selon la Chambre de commerce du Canada (CCC), la situation risque de s'aggraver davantage si rien n'est fait, car les États-Unis, principale destination de nos exportations, produiront suffisamment d'énergie pour suffire à leurs besoins d'ici 2035 grâce à l'utilisation de la fracturation hydraulique à grande échelle.

Le Canada est donc ni plus ni moins engagé dans une course contre la montre pour se doter des infrastructures nécessaires - notamment des pipelines - afin de pouvoir acheminer ces ressources vers de nouveaux marchés comme l'Asie, estime la CCC dans un rapport qui sera publié aujourd'hui.

«Les États-Unis sont pratiquement le seul marché du Canada pour le pétrole et le gaz; 98% de nos exportations de pétrole et 100% de nos exportations de gaz naturel vont à notre voisin du Sud. Or, notre seul marché gazier devrait devenir un exportateur net d'ici à 2020. [...] Le Canada doit répondre à l'évolution des marchés énergétiques ou il mettra sa propre prospérité à risque», soutient la CCC dans ce rapport, intitulé 50 millions par jour.

Deux projets qui permettraient à l'industrie pétrolière du Canada d'acheminer son produit sur les marchés internationaux sont sur la table. Mais ils sont fortement contestés par les groupes environnementaux, entre autres, et pourraient ne pas voir le jour. Le premier, la construction du pipeline Keystone XL, permettrait de transporter le pétrole issu des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'aux raffineries du golfe du Mexique, au Texas. Le président américain Barack Obama n'a toujours pas approuvé ce projet de 7,6 milliards de dollars de la société TransCanada.

Le deuxième projet, la construction de l'oléoduc Northern Gateway par l'entreprise Enbridge, partirait de Bruderheim, en Alberta, et se rendrait jusqu'à Kitimat, en Colombie-Britannique, afin d'exporter le pétrole vers le marché asiatique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique demeure opposé à ce projet parce qu'il n'obtiendrait aucune compensation pour le passage du pétrole sur son territoire.

Au cours des derniers mois, le gouvernement Harper a multiplié les sorties et les pressions pour accélérer l'approbation des deux projets, en vain jusqu'ici. Dans le cadre d'une nouvelle offensive, le premier ministre Stephen Harper passera une partie de la semaine en Colombie-Britannique dans l'espoir de faire progresser les négociations pour faire approuver le pipeline Northern Gateway.

Le pétrole issu des sables bitumineux est vendu à un prix inférieur au West Texas Intermediate, principal repère nord-américain, parce qu'il est plus lourd - et donc plus difficile à raffiner - et parce qu'il y a congestion dans les pipelines transportant les bruts nord-américains vers la côte du Golfe et les marchés internationaux. Résultat: le pétrole canadien se vendait près de 57$US de moins le baril que le prix mondial au début de l'année.

Dans son rapport, la CCC souligne que la production pétrolière canadienne devrait doubler au cours des deux prochaines décennies pour atteindre 6 millions de barils par jour. Mais la production américaine, quant à elle, devrait augmenter de 4 millions de barils par jour au cours des cinq prochaines années.

La seule solution qui s'offre aux entreprises canadiennes est l'exportation vers l'Asie, en particulier la Chine, selon la CCC. La demande de pétrole en Asie augmentera de 207% au cours des 30 prochaines années tandis que les besoins en gaz naturel progresseront de 201%, selon les projections de l'Asian Development Bank. Mais il sera impossible de conquérir ces nouveaux marchés sans construire de nouveaux pipelines.

«Le pétrole et le gaz sont les moteurs de l'économie canadienne, qu'on le veuille ou non. Les nouvelles occasions sont en Asie et nous ne pouvons nous permettre de ne pas agir. Et ce, tout en nous dirigeant vers un avenir moins dépendant en carbone», a indiqué à La Presse Émilie Potvin, directrice principale des affaires publiques de la CCC.

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QUELQUES CHIFFRES

> 98% des exportations du pétrole canadien vont aux États-Unis.

> 100% des exportations du gaz naturel du Canada sont destinées aux États-Unis.