Après quatre ans de croissance soutenue, l'économie de l'Abitibi-Témiscamingue ralentit, happée par la chute du cours des métaux. Le chômage augmente, les minières réduisent leurs dépenses. Mais on est toujours loin de la catastrophe.

À première vue, les affaires vont bien en Abitibi. Des mines ferment, mais d'autres ouvrent. Les restaurants sont pleins. Il reste que, dans certaines entreprises, le ralentissement commence à se fait sentir.

C'est notamment le cas chez Marcel Baril, important distributeur de matériaux de construction et de fournitures industrielles de Rouyn-Noranda. Depuis le début de l'année, son chiffre d'affaires est en baisse d'environ 10% par rapport à l'an dernier. La diminution est principalement attribuable au secteur minier, d'où Marcel Baril tire plus du quart de ses revenus. Conséquence: 5 des 130 salariés de l'entreprise ont dû être licenciés au cours des derniers mois.

«Si la construction résidentielle diminue aussi, la baisse de notre chiffre d'affaires sera encore plus marquée», note Guy Baril, directeur du développement des affaires.

Les économistes de Desjardins prévoient qu'il y aura 315 mises en chantier en Abitibi-Témiscamingue cette année, contre 329 l'an dernier et 633 en 2011, alors que la pénurie de logements battait son plein. La situation s'est quelque peu résorbée, mais le taux d'inoccupation se situe toujours à moins de 1% dans la région, loin de la moyenne québécoise de 3,1%.

Marcel Baril et les autres fournisseurs de l'industrie minière pâtissent de la baisse du prix des métaux. Au cours des 12 derniers mois, le cours de l'or a reculé de plus de 20% et s'établit désormais à environ 1350$ US l'once. Les minières, dont les coûts de production oscillent entre 900 et 1250$ US l'once, travaillent donc à réduire leurs dépenses.

En juillet, Agnico-Eagle, qui exploite les mines LaRonde, Lapa et Goldex en Abitibi, a annoncé des compressions de 50 millions US d'ici à la fin de l'année et de 250 millions US pour 2014. Iamgold, propriétaire de la nouvelle mine Westwood, située à 40 km de Rouyn-Noranda, a annoncé en mars des réductions de coûts de 100 millions US.

Les minières sabrent surtout les dépenses d'exploration. En plus de nuire aux fournisseurs de matériel, ces coupes frappent de plein fouet les entreprises de forage, qui ont dû mettre à pied des centaines de travailleurs au cours des derniers mois.

Mais ce qui inquiète le plus les Abitibiens, ce sont les effets de ce coup de frein dans quelques années. «L'exploration, on ne s'en rend pas toujours compte, mais ce sont nos mines de demain», note Jean-Claude Loranger, président de la chambre de commerce et d'industrie de Rouyn-Noranda.

Des dizaines d'ingénieurs ont également perdu leur emploi dans la région, mais pour une autre raison: la fin des travaux d'aménagement de plusieurs mines, notamment la Canadian Malartic d'Osisko et la Westwood. Chez Genivar, la main-d'oeuvre a diminué d'environ 15% en Abitibi, estime Marcel Jolicoeur, directeur du développement des affaires pour la firme et président de la chambre de commerce de Val-d'Or.

Au début de l'année, le taux de chômage de la région est repassé au-dessus de la moyenne québécoise. À la fin du mois de juin, il atteignait 7,9%, contre 5,7% un an plus tôt. Ça reste tout de même mieux qu'en 2009, lorsque le taux de chômage frisait les 10%.

L'heure n'est donc pas encore à la panique. Jean-Claude Loranger, qui est également directeur général de la caisse Desjardins de Rouyn-Noranda, assure que la demande pour les prêts hypothécaires et les produits d'épargne demeure forte. «C'est moins bon que l'an dernier, mais c'est encore excellent», dit-il.

«Ça revient à ce que c'était avant la surchauffe des dernières années», résume M. Loranger en parlant de l'économie régionale dans son ensemble. «C'est un développement plus raisonnable.»

---------------

Mines ouvertes ou rouvertes récemment:

Westwood (Iamgold) 

Durée de vie: 19 ans

Goldex (Agnico Eagle) 

Durée de vie: 4 à 10 ans

Monique (Mines Richmont) 

Durée de vie: 19 mois

------------------

Mines fermées ou en voie de l'être:

Géant dormant (Minéraux Maudore) 

Janvier 2012

Lamaque (White Tiger) 

Mai 2012

Francoeur (Mines Richmont) 

Novembre 2012

Kiena (Westdome) 

Juin 2013

Lac-Herbin (QMX Gold) 

Fermeture prévue l'an prochain

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Guy Baril, directeur du développement des affaires chez le distributeur Marcel Baril, a vu son chiffre d'affaires diminuer de 10% cette année.