Même si Pétrolia n'a rien payé pour obtenir les permis d'exploration d'Hydro-Québec dans l'île d'Anticosti, l'entente qui a finalement été dévoilée jeudi n'est pas une si mauvaise affaire pour la société d'État et les contribuables québécois.

En échange de ses permis, Hydro a obtenu des redevances sur la production éventuelle de pétrole dans l'île et la possibilité d'échanger ces redevances contre une participation à l'exploitation pétrolière, si Pétrolia veut en revendre une partie.

«Ils se sont gardé toutes les portes ouvertes», a commenté jeudi le président de Pétrolia, André Proulx, qui se défend bien d'avoir obtenu ces permis pour une bouchée de pain.

«On a payé le prix que ça valait», assure-t-il, rappelant que seulement deux entreprises avaient répondu à l'appel d'offres d'Hydro-Québec en 2008, dont aucune des majors de l'industrie. «À l'époque, j'ai passé pour un illuminé», dit-il.

Selon André Proulx, la possibilité pour Hydro-Québec de revenir si le projet se révèle rentable est un grand avantage. «C'est majeur», estime-t-il.

Pas le vol du siècle

Jean-Thomas Bernard, spécialiste en énergie et professeur à l'Université d'Ottawa, estime que l'entente conclue entre Hydro et Pétrolia est loin d'être le vol du siècle dénoncé par l'environnementaliste Daniel Breton.

C'est une entente semblable à toutes les autres qui se concluent dans le secteur pétrolier et gazier, selon lui. Quant à savoir si le taux de redevances variant entre 1 et 3 % est bon ou mauvais, c'est difficile à dire parce qu'il n'y a jamais eu de production. «Il faut garder en tête qu'il n'y a pas encore une goutte de pétrole qui est sortie de là», souligne-t-il.

Hydro-Québec n'aurait jamais dû se lancer dans l'exploration pétrolière et gazière, croit Jean-Thomas Bernard. «Ce n'est pas son métier, et ses coûts sont trop élevés», résume-t-il.

La société d'État s'est dotée d'une division pétrole et gaz en 2002, à la demande du gouvernement de Bernard Landry. Hydro s'était engagée à investir 330 millions de dollars en 10 ans, soit 300 millions au large des côtes et 30 millions en Gaspésie et dans l'île d'Anticosti.

Au final, ses investissements n'ont été que de 30 millions, dont 9,8 millions à Anticosti, a précisé hier le porte-parole d'Hydro, Marc-Brian Chamberland. La division Pétrole et gaz d'Hydro-Québec a été active entre 2002 et 2005 et a fermé boutique sans avoir rien trouvé.

Avant elle, d'autres s'étaient attaqués au sous-sol d'Anticosti, dont Shell qui a abandonné la partie et rendu ses permis au gouvernement du Québec.

Hydro estime avoir conclu une bonne entente avec Pétrolia. «On peut aller chercher des redevances sans assumer de risques et on a un droit de premier refus [advenant que Pétrolia cède une partie de ses permis]», explique Marc-Brian Chamberland.

Depuis qu'elle a acquis les permis d'Hydro, Pétrolia a investi de 15 à 20 millions à Anticosti, soit deux fois plus qu'Hydro-Québec. Son président croit au potentiel pétrolier de l'île, que la firme indépendante de Calgary Sproule Associates a estimé à 30,9 milliards de barils. Pétrolia est en partenariat avec Corridor Resources à Anticosti.

En supposant un taux de récupération de 5 % de ces réserves potentielles, Pétrolia estime que la production pourrait satisfaire les besoins du Québec pendant 20 ans.

Les redevances qui pourraient être versées par Pétrolia à Hydro-Québec

> Réserves estimées: 30 milliards de barils

> Pétrole récupéré (5 %): 1,5 milliard de barils sur 20 ans

> Part de Pétrolia (50 %): 750 millions de barils

> Valeur de la production à 100 $US le baril: 75 milliards US

> Redevances à Hydro-Québec (3 %): 2,25 milliards US sur 20 ans

Source: Pétrolia